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connaissiez l’espèce, dit le juge en essayant de tirer son rapport de sa poche.

– Je suis persuadé d’avance que vous avez apporté dans cette affaire la plus stricte indépendance. Et moi-même, en province, simple juge, j’ai souvent pris bien plus qu’une tasse de thé avec les gens que j’avais à juger ; mais il suffit que le garde des sceaux en ait parlé, que l’on puisse causer de vous, pour que le tribunal évite une discussion à ce sujet. Tout conflit avec l’opinion publique est toujours dangereux pour un corps constitué, même quand il a raison contre elle, parce que les armes ne sont pas égales. Le journalisme peut tout dire, tout supposer ; et notre dignité nous interdit tout, même la réponse. D’ailleurs j’en ai conféré avec votre président, et M. Camusot vient d’être commis, sur la récusation que vous allez donner. C’est une chose arrangée en famille. Enfin je vous demande votre récusation comme un service personnel ; en revanche, vous aurez la croix de la Légion d’honneur, qui vous est depuis si longtemps due, j’en fais mon affaire.

En voyant M. Camusot, un juge récemment appelé d’un tribunal du ressort à celui de Paris et qui s’avança saluant et le juge et le président, Popinot ne put retenir un sourire ironique. Ce jeune homme blond et pâle, plein d’ambition cachée, semblait prêt à pendre et à dépendre, au bon plaisir des rois de la terre, les innocents aussi bien que les coupables, et à suivre l’exemple des Laubardemont plutôt que celui des Molé. Popinot se retira en saluant le président et le juge, il dédaigna de relever la mensongère accusation portée contre lui.

Paris, février 1836.

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