СТИХИ
.docxLiberté
Sur mes cahiers d'écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J'écris ton nom Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre J'écris ton nom Sur les champs sur l'horizon Sur les ailes des oiseaux Et sur le moulin des ombres J'écris ton nom Sur la lampe qui s'allume Sur la lampe qui s'éteint Sur mes raisons réunies J'écris ton nom Sur la santé revenue Sur le risque disparu Sur l'espoir sans souvenir J'écris ton nom Et par le pouvoir d'un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer Liberté
PELICAN
Le capitaine Jonathan Etant âgé de dix huit ans Capture un jour un pélican Dans une île d’extrême orient. Le pélican de Jonathan Au matin pond un oeuf tout blanc Et il en sort un pélican Lui ressemblant étonnamment. Et ce deuxième pélican Pond, à son tour un oeuf tout blanc D’où sort inévitablement Un autre qui en fait tout autant Cela peut durer pendant très longtemps Si l’on ne fait pas d’omelette avant
FAMILIALE
La mère fait du tricot Le fils fait la guerre Elle trouve ça tout naturel la mère Et le père qu'est-ce qu'il fait le père ? Il fait des affaires Sa femme fait du tricot Son fils la guerre Lui des affaires Il trouve ça tout naturel le père Et le fils et le fils Qu'est-ce qu'il trouve le fils ? Il ne trouve rien absolument rien le fils Le fils sa mère fait du tricot son père fait des affaires lui la guerre Quand il aura fini la guerre Il fera des affaires avec son père La guerre continue la mère continue elle tricote Le père continue il fait des affaires Le fils est tué il ne continue plus Le père et la mère vont au cimetière Ils trouvent ça naturel le père et la mère La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires Les affaires la guerre le tricot la guerre Les affaires les affaires et les affaires La vie avec le cimetière. Jacques Prévert
LA CIGALE ET LA FOURMI
La Cigale, ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. "Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'Oût, foi d'animal, Intérêt et principal. " La Fourmi n'est pas prêteuse : C'est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. - Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? j'en suis fort aise. Eh bien! dansez maintenant.
PARIS.
Cette ville Aux longs cris Qui profile Son front gris, Des toits freles Cent tourelles, Clochers greles C’est Paris. Les quadrilles Les chansons Melent filles Et garcons, Quelle fete Que de tetes Sur les faites Des maisons. Le vieux Louvre Large et lourd, Il ne s’ouvre Qu’au grand jour, Emprisonne La couronne Dans sa tour. La cohue Flot de fer Frappe , hue Remplit l’air Et profonde Tourne et gronde Comme une onde Sur la mer.
Tableau de Paris à 5 heures du matin (Marc-Antoine Désaugiers, 1802)
Déjà l’épicière, Déjà la fruitière, Déjà l’écaillère, Sautent à bas du lit. L’ouvrier travaille, L’écrivain rimaille, Le fainéant bâille Et le savant lit.
J’entends Javotte, Portant sa hotte, Crier : “Carottes, Panais ! Choux-fleurs !” Perçant et grêle, Son cri se mêle A la voix frêle Du noir ramoneur.
Chanson de la Seine La Seine a de la chance, Elle n'a pas de soucis, Elle se la coule douce, Le jour comme la nuit, Et elle sort de sa source Tout doucement sans bruit, Et sans se faire de mousse, Sans sortir de son lit, Elle s'en va vers la mer En passant par Paris. La Seine a de la chance, Elle n'a pas de soucis, Et quand elle se promene, Tout le long de ses quais Avec sa belle robe verte, Et ses lumieres dorees, Notre-Dame jalouse, Immobile et severe Du haut de toutes ses pierres La regarde de travers. Mais la Seine s'en balance, Elle n'a pas de soucis, Elle se la coule douce, Le jour comme la nuit, Et s'en va vers le Havre, Et s'en va vers la mer En passant comme un reve Au milieu des mysteres, Des miseres de Paris.
Mars
Ah ! que mars est un joli mois !
C'est le mois des surprises.
Du matin au soir dans les bois,
Tout change avec les brises.
Le ruisseau n'est plus engourdi ;
La terre n'est plus dure :
Le vent qui souffle du midi
Prépare la verdure.
Gelée et vent, pluie et soleil,
Alors tout a des charmes;
Mars a le visage vermeil
Et sourit dans ses larmes.
Alfred de Musset
Déjeuner du matin
Il a mis le café Dans la tasse Il a mis le lait Dans la tasse de café Il a mis le sucre Dans le café au lait Avec la petite cuiller Il a tourné Il a bu le café au lait Et il a reposé la tasse Sans me parler
Il a allumé Une cigarette Il a fait des ronds Avec la fumée Il a mis les cendres Dans le cendrier Sans me parler Sans me regarder
Il s'est levé Il a mis Son chapeau sur sa tête Il a mis son manteau de pluie Parce qu'il pleuvait Et il est parti Sous la pluie Sans une parole Sans me regarder
Et moi j'ai pris Ma tête dans ma main Et j'ai pleuré
SI VOUS SAVIEZ..
Si vous saviez comme on pleure De vivre seul et sans foyer Quelquefois devant ma demeure Vous passeriez. Si vous saviez ce que fait naitre Dans l'âme triste un pur regard Vous regarderiez ma fenêtre Comme par hasard. Si vous saviez quelle baume apporte Au coeur la présence d'une coeur Vous vous assoiriez près de ma porte Comme une soeur. Si vous saviez que je vous aime, Surtout si vous saviez comment Vous entreriez peut-être même Tout simplement.