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- •Xvie siècle : facétie ou hérésie ?[modifier | modifier le code]
- •Xviie et xviiie siècles : la mise à l'écart de la « canaille exquise » (La Bruyère)[modifier | modifier le code]
La langue de Rabelais[modifier | modifier le code]
Lors nous jecta sur le tillac pleines mains de parolles gelées, et sembloient dragée perlée de diverses couleurs. Nous y veismes des motz de gueule, des mots de sinople, des motz de azur, des motz de sable, des motz d'orez. Quart Livre, LVI
Dans son œuvre de fiction, Rabelais prodigue une créativité verbale foisonnante, dont une part de l'originalité tient à l'effervescence linguistique de la Renaissance, soucieuse de renouveler et de réhabiliter les langues vernaculaires. Son écriture littéraire suit l'évolution des réflexions orthographiques et grammaticales de son temps, conjointe à l'invention d'une langue artificielle. Ainsi, elle se singularise par de fréquents renvois du participe passé en fin de propositions, l'antéposition des compléments circonstanciels aux verbes, eux-mêmes séparés du pronom sujet123. D'une exceptionnelle richesse, le lexique rabelaisien puise dans les langues anciennes, médiévales et modernes, les dialectes provinciaux et de multiples jargons professionnels. Plusieurs centaines de mots, expressions ou acceptions sémantiques apparaissent dans la langue française, tels que « corne d'abondance », « clocher devant les boiteux » ou « l'appétit vient en mangeant »124. Dans une époque où la création linguistique est en pleine effervescence, l'orthographe rabelaisienne se montre soucieuse de garder une trace de l'origine des mots125, marquant les corruptions phonétiques par ses choix typographiques126. Ce procédé rappelle celui d'Érasme, qui cherche des traces desprononciations antiques dans le parler de son époque127. L'emploi d'une langue verte qui rappelle la scurrilité des prêcheurs franciscains se comprend aussi bien comme un jeu que relevant de l'ironie déguisée. De toute manière, cette rhétorique de l'amplification traduit un rapport jubilatoire au langage qui transparaît jusque dans les effets sonores, de la cacophonie à la paronomase en série128.
L'évolution de la langue française a conduit les éditeurs à proposer des versions modernisées de l'œuvre de Rabelais. Dans un article paru le 1er mars 1905 dans leMercure de France, intitulé « Le Rabelais en français moderne », Alfred Jarry se montre sévèrement critique devant une telle entreprise : « Tout au moins exigerait-on de son auteur quelque connaissance rudimentaire de la langue du xvie siècle, et des mots de province chers à Rabelais129 ». Jarry invite le lecteur à comparer le texte original, qu'il commente brièvement, et le texte modernisé :
« Et la groisse cogneue, poussent hardiment oultre (en avant) » — Gargantua, ch.III. |
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« Leur grossesse connue, elles pourront porter hardiment leur outre. » — édition de la Librairie universelle, 1905129. |
« Si le diavol (diabolum, sans diminutif) ne veult qu'elles engroissent, il faudra tortre le douzil (fermer le robinet), et bouche clouze (et n'en parlons plus). » — Gargantua, ch.III. |
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« Si le petit diable ne veut pas qu'elles engrossent, il faudra nous tordre le douzil et leur clore la bouche. » — édition de la Librairie universelle, 1905129. |
« […] cognoissoit mouches en laict (distinguait noir sur blanc). » — Gargantua, ch.XI. |
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« […] connaissait des mouches nourrices. » — édition de la Librairie universelle, 1905130. |