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Libérer son esprit et analyser les textes

Le colonat n'est pas non plus un fait originel ; c'est au milieu d'une société déjà vieille et presque à son déclin que nous le voyons se produire au grand jour. Notre première difficulté est de comprendre comment il a pu se faire que des millions d'êtres humains, nés libres, dans une époque relativement calme et au sein d'une société régulière, aient été condamnés à la culture perpétuelle et attachés au sol. Nous avons une peine infinie à nous expliquer qu'une législation qui passa de tout temps pour être la raison écrite ait prononcé que des cultivateurs n'auraient pas le droit de quitter leur glèbe, et que, par ce seul motif qu'ils avaient cultivé la terre, ils la cultiveraient « éternellement ». De telles lois nous paraissent d'abord le renversement de l'ordre naturel et l'opposé de la justice. Il est vrai que presque toutes les institutions antiques, si nous les regardons de près, heurtent ainsi nos idées modernes ; mais celle-ci les heurte plus que toutes les autres. Aussi n'aurons-nous quelque chance d'arriver à la comprendre et à voir juste en elle, qu'à la condition de nous dégager d'abord des habitudes d'esprit qui règnent en nous, et des principes qui règlent notre existence d'aujourd'hui.

...

Il faut donc écarter de notre esprit toutes ces idées générales et ces hypothèses préconçues. L'historien doit se borner aux textes attentivement observés, et s'il peut arriver à la conception d'une vérité générale, ce n'est qu'à force d'étudier le détail des faits (Recherches sur quelques problèmes d'histoire, p.3-4; 7).

 

A propos de la méthode comparative

Je ne conteste pas que la méthode comparative ne soit fort utile en histoire ; elle peut devenir une source féconde de découvertes, et je ne suis pas de ceux qui refusent de s'en servir ; mais l'abus en est dangereux. Vous apercevez de certaines communautés de village dans l'Inde ; vous rencontrez quelque chose d'analogue dans le mir russe, et dans les petits villages de Croatie ; il vous semble, à première vue que les Allmenden de la Suisse et de la Néerlande présentent les mêmes traits caractéristiques ; vous rapprochez de tout cela deux lignes de César sur les anciens Germains, une phrase de Diodore sur un petit peuple des îles Lipari, et quelques fantaisies de poètes latins sur l'âge d'or. Vous avez ainsi accumulé un assez bon nombre d'indices, mais hâtivement recueillis, imparfaitement étudiés, pris çà et là, en mêlant les époques et en confondant les peuples. Est-ce assez de cela pour déduire une loi générale de l'humanité ? Une telle méthode manque de rigueur. La comparaison entre les peuples ne devrait venir qu'après une étude scrupuleuse et complète de chaque peuple. En histoire comme en toute science, l'analyse doit précéder la synthèse. Je voudrais que l'histoire du mir russe, celle du village hindou ou javanais, celle de la communauté agricole de Croatie, et même celle de la Mark germanique fussent plus nettement connues qu'elles ne le sont, avant qu'on tirât du rapprochement de ces connaissances une conclusion générale. Je souhaiterais qu'une première génération de travailleurs s'appliquât séparément à chacun de ces objets et qu'on laissât à la génération suivante le soin de chercher la loi universelle qui se dégagera peut-être de ces études particulières (Nouvelles recherches, p.4-5).

 

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