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Французская модель цифрового правительства (управления)

William Gilles Le modele francais de l'administration numerique: realites et enjeux

S'interesser a l'etude d'un systeme est toujours complique, surtout lorsqu'il s'agit de montrer a quel point celui qui est adopte par son pays constitue un modele.

La premiere difficulte est de le demontrer en tant que Francais. En effet, il faut reussir a convaincre que cette presentation positive reflete la realite et ne resulte pas du chauvinisme...

La deuxieme difficulte, et sans doute la principale, reside dans la definition des concepts qui varient d'un systeme a l'autre et qui sous des appellations differentes peuvent ou non se recouper.

Tel est le cas de l'administration numerique. Ainsi, selon les systemes juridiques, la transformation de l'administration par les technologies de l'information et de la communication resultera d'un processus d'egovernance, d'e-government, d'administration electronique, voire desormais d'administration numerique ou "digital administration". La transformation par le numerique des administrations publiques ne renvoie donc pas a une realite unique.

Ces differences d'approche resultent de l'etendue des domains qu'on entend conferer a l'impact de la revolution numerique sur nos systemes de gouvernance publique.

Cette evolution peut dans un premier temps etre envisagee a partir d'une conception large, avec la notion d'e-governance ou gouvernance numerique, pour souligner l'etendue des activites publiques qui est affectee par le numerique. La gouvernance numerique caracterise non seulement l'impact du numerique sur le processus d'optimisation continue des services publics delivres et sur la participation aux processus electoraux, mais aussi plus largement l'amelioration de la gouvernance publique grace aux technologies, a l'Internet et aux nouveaux medias. Outre la modernisation de la gestion publique et la rationalisation des depenses qu'elle induit, cette transformation de la gouvernance publique se traduit egalement souvent par un renforcement de la transparence et un accroissement de la participation et de l'interaction citoyennes dans le debat public. Il en resulte donc une amelioration notable qui vise l'ensemble de la sphere publique, mais qui profite egalement, par ricochet, au secteur prive.

A l'oppose, se situe la notion d'administration electronique, voire desormais d'administration numerique. Plus restrictive, cette conception vise l'ensemble des activites de l'administration qui sont organisees par le biais des communications numeriques entre tous les niveaux de l'administration, les agents publics et les usagers, qu'ils soient particuliers ou entreprises. Ainsi defini, ce concept s'interesse uniquement aux processus de transformation de l'administration publique et de mise en oeuvre des services qu'elle propose grace aux echanges numeriques.

Entre ces deux extremes, se trouve la notion d'e-government.

Celle-ci n'envisage pas uniquement des echanges numeriques de l'administration, mais traite aussi de questions fondamentales comme la democratie. En effet, le concept d'e-government apprehende non seulement, comme celui d'administration numerique, les rapports entre les administrations publiques et les usagers (administration/usagers), entre les administrations et les agents publics (administration/agents publics) ou encore entre les administrations elles-memes (administration/administration).Mais ce concept comprend aussi, a la difference de celui d'administration numerique, les relations entre l'administration et les citoyens (administration/citoyens).

L'e-government ne s'assimile pas davantage a la notion de gouvernance numerique precisement parce qu'il se limite aux questions ayant trait aux processus de gouvernement et non a la gouvernance. Peut-etre, la notion d'e-government renvoie-t-elle a une dimension plus juridique que celle de gouvernance numerique qui, quant a elle, recouvre aussi une dimension de science politique et de management public.

Ces concepts definis, il importe de preciser que l'analyse presentee dans le cadre de ce colloque fera uniquement reference a la notion d'administration numerique, ainsi qu'a celle d'administration electronique qui l'a precede. L'etude envisage donc le modele francais de l'administration numerique au regard de sa conception restrictive. Plus precisement, l'objectif est de demontrer que s'il existe des caracteristiques communes entre la reforme conduite en France et celle menee dans d'autres pays, le projet francais d'administration numerique presente neanmoins des specificites qui justifient que celui-ci soit considere comme un modele.

§ 1. Les caracteristiques d'une modernite consecutive a l'administration numerique

A l'instar de tout processus visant a la mise en place d'une administration numerique, l'administration francaise est passee d'une administration papier a une administration multisupport (A). Il en resulte que, a l'instar des autres pays qui se sont engages dans un processus similaire, l'administration francaise est desormais plus interactive et davantage au service de l'usager. Des lors, il n'est pas surprenant que la numerisation de l'administration francaise s'inscrive dans un processus plus vaste de reforme de l'Etat. La demarche francaise est la encore, tres proche de celle qui a pu etre constatee dans les autres pays precurseurs dans la mise en place d'une administration numerique (B).

A) Une administration multisupport

Il est generalement admis que les administrations publiques commencent leurs "voyage vers l'e-gouvernement" en publiant des informations statiques sur l'Internet et en etablissant une presence connectee, le plus souvent avec l'espoir que ce processus augmentera la qualite, l'efficacite et l'efficience de l'organisation. Ce processus est ensuite generalise dans un deuxieme temps de telle sorte que l'administration papier entame un mouvement de dematerialisation de ces procedures pour devenir une administration electronique. L'objectif est notamment d'accroitre la performance des services publics aux usagers. Cependant, si l'administration electronique est le plus souvent tournee vers l'usager, qu'il soit particulier ou entreprise, elle concerne egalement les agents publics eux-memes qui sont au coeur de ce processus puisqu'ils constituent les premiers acteurs de la mise en oeuvre des reformes.

Recemment, une troisieme etape s'est ajoutee a ce "voyage", l'objectif etant de passer d'une administration electronique, qui repose sur la mise en ligne des documents administratifs et la dematerialization des procedures, a une administration numerique qui implique une utilisation de tous les medias pour une plus grande interaction non seulement entre les administrations publiques et les usagers mais egalement entre les agents publics eux-memes. Cette administration numerique a pour vocation de renforcer l'efficacite des services publics. Elle se traduit notamment par l'existence de blogs et de chats permettant tant aux usagers qu'aux agents publics de s'exprimer ou de solliciter de l'assistance mais aussi de se former en ligne. Par exemple, la Direction generale de la modernisation de l'Etat a mis en place un site Internet "adm'innov" dont l'objectif etait de contribuer a l'identification de cent mesures pour simplifier les demarches administratives jusqu'a fin 2011. En septembre 2011, soixante-dix mesures avaient ete mises en oeuvre, dont un tiers propose directement par les Internautes. Le processus de consultation se poursuit sur un site Internet intitule "ensemble-simplifions". De meme, la Direction generale de la modernisation pilote a developpe en 2007 un module d'auto-formation d'une duree de deux heures a service-public.fr qui etait destine aux agents des Relais Services Publics pour leur permettre de s'approprier rapidement le fonctionnement et le contenu du site Internet afin de pouvoir repondre facilement a une demande d'information ou d'aide a la demarche des usagers.

L'administration numerique developpee en France met egalement a disposition des usagers des informations interactives. Autrement dit, il s'agit d'echanger avec l'usager en temps reel. Deux exemples permettront d'illustrer cette nouvelle tendance.

D'une part, plusieurs villes recourent au flashcode pour ameliorer l'information communiquee aux usagers. La mise en oeuvre de cette technologie suppose pour la collectivite locale d'imprimer un code barre intelligent qui renvoie a un site Internet. Il suffit ensuite a l'usager de scanner le code barre intelligent en deux dimensions avec un telephone portable equipe d'un appareil photo, pour acceder directement aux contenus ou services multimedias sans saisir d'adresse Internet, ni meme envoyer de SMS. A Paris, la Regie Autonome des Transports Publics (RATP) a generalise le flashcode en 2010 pour permettre aux voyageurs de connaitre les horaires de passage de leurs prochains bus ou tramways en les recevant directement sur leur telephone portable. Des villes comme Mennecy ou Loos-en-Gohelle recourent a cette technologie par la pour informer les habitants des horaires d'ouverture des principaux sites administratifs de la commune. Ces horaires sont certes affiches devant l'entree de chaque site administratif, mais ce nouveau service permet aux habitants d'acceder rapidement a la page Internet qui contient ces informations et de la marquer pour la consulter plus tard. Il n'a donc plus a noter ces renseignements qui sont desormais stockes sur son telephone en un seul scan. D'autres services sont proposes a Mennecy comme l'acces direct a la page Internet qui propose le paiement en ligne de la Cantine, de la creche ou de l'ecole de musique. De son cote, Loos-en-Gohelle a egalement insere son dispositif de flashcode dans le journal municipal pour renvoyer a des informations en ligne qui ne pouvaient etre contenues dans la version papier. L'objectif du flashcode est non seulement de fournir des renseignements fiables et toujours actualisees mais s'inscrit egalement dans une demarche qualitative du service public en permettant aussi une remontee de l'information a partir de questionnaires interactifs.

D'autre part, certaines villes recourent desormais a la technologie Near Field Communication (NFC) qui permet la transmission radio d'informations entre deux bornes espacees de quelques centimetres. Il en resulte une nouvelle forme d'administration electronique puisque celle-ci devient a l'ere du numerique une "administration sans contact". Cette technologie offre notamment aux usagers la possibilite de payer les services publics directement avec leur telephone portable. Par exemple, Issy-les-Moulineaux a inaugure, en decembre 2009, cette modalite de paiement pour permettre a ses habitants de payer leurs places de stationnement alors que cette possibilite n'existe que plus recemment a l'etranger (par exemple, depuis juillet 2011 a Washington ou decembre 2011 a San Francisco). Le paiement a distance mis en place a Issy-les-Moulineaux permet d'avertir l'automobiliste par SMS de la fin de son stationnement, celui-ci n'ayant d'ailleurs pas a deplacer pour payer ou prolonger le temps de stationnement puisqu'il peut le faire a distance. En outre, l'automobiliste peut arreter son stationnement en cours et se faire rembourser au prorata le temps non utilise, permettant ainsi une tarification plus juste au regard du temps de stationnement. Ce service offre egalement de nouvelles possibilites de gestion pour l'automobiliste puisque celui-ci, qu'il soit visiteur, resident ou professionnel, peut suivre l'historique de ses depenses sur Internet et reserver des tickets de stationnement pour plusieurs vehicules en meme temps ou encore opter pour des periodes de reservation horaire, quotidiennes, hebdomadaires ou mensuelles.

D'autres villes ont ensuite rejoint ce programme appele "paybyphone" a partir de 2010 mais pour l'utiliser comme moyen de reservation des velos en libre-service (Nice, Calais ou Vannes) ou comme modalite de paiement a distance de leur titre de transport (Nice). Dans le meme sens, le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) a deploye la technologie NFC sur son reseau a travers le pass Navigo pour mettre en place un titre de transport pouvant etre valide sans contact ou pour louer un velo en libre-service (velib).

Il faut noter que la pratique du paiement par mobile ayant vocation a se generaliser, l'Union europeenne met en garde "les acteurs cles du marche (operateurs de reseau mobile, prestataires de services de paiement, fabricants de telephones mobiles) [qui] ne se sont pas encore accordes sur un modele commercial viable permettant des solutions de paiement interoperables" contre le risque de fragmentation par l'adoption de solutions proprietaires et preconise au contraire d'accroitre la transparence et la securite des paiements sur mobile pour favoriser le developpement de cette technologie.

Cette volonte de la France de developper les usages des services publics par telephone mobile est une preoccupation forte qui s'est traduit par le developpement de Proxima Mobile qui est un portail des applications et de services aux citoyens sur telephone mobile, coordonne par la Delegation aux usages de l'Internet et relevant du Ministere de l'Enseignement superieur et de la Recherche.

B) Un element de la reforme de l'Etat

Le numerique occupe une place importante dans la definition de l'administration publique du XXIe siecle et constitue un defi pour les gouvernements du monde entier. Ces derniers l'ont bien compris en faisant de la mise en place d'une administration electronique un element cle de la reforme de l'Etat.

Consciente que la revolution numerique contribue a la modernization et au renforcement de l'efficacite de l'Etat, l'OCDE a convoque en octobre 2010 les hauts responsables de l'administration electronique en leur rappelant que si les plans de relance economique et les measures d'austerite les placent au centre des reformes du secteur public, il est necessaire de "voir au-dela de la crise et de la relance economique. C'est l'occasion de prendre des decisions audacieuses mais necessaries afin de permettre des changements sur la mise en oeuvre de l'administration electronique pour le benefice des citoyens et des entreprises. Cela necessite un reel e-leadership au niveau politique".

Les discussions menees dans le cadre de cette reunion destinee a permettre aux pays membres de mieux planifier et mettre en oeuvre leurs strategies de gouvernement electronique ont permis de confirmer qu'une meilleure utilisation des TIC permettrait de simplifier et d'ameliorer la performance du secteur public, le rendant plus efficace et reduisant les couts pour les citoyens. Il a ete rappele le role strategique que peuvent avoir les nouvelles technologies dans le cadre des reformes et en particulier pour ajuster la structure de gouvernance, realiser des economies d'echelle, et eliminer les obstacles existants pour le partage des services et des solutions entre les differentes branches des administrations.

La mise en place d'une administration electronique, puis numerique s'inscrit donc dans ce mouvement de modernisation du secteur public qui s'est amorce depuis le debut des annees 1980 dans un premier temps dans un pays comme la Nouvelle-Zelande, puis qui s'est progressivement generalise a la Scandinavie ou au Canada une decennie plus tard avant de concerner d'autres pays europeens comme le Royaume-Uni. Ces pays pionniers qui ont conduit des mouvements de rationalisation de leurs depenses publiques en menant notamment des revues generales de politiques publiques sont aussi a l'avant-garde de l'administration electronique. Ainsi, en est-il par exemple du Danemark qui est considere comme un pays leader dans l'utilisation des technologies de l'information et de la communication pour ameliorer l'acces aux services publics ainsi que l'efficacite et l'efficience du secteur public.

Cette prise de conscience du role de l'administration electronique dans la reforme de l'Etat concerne tous les pays, y compris les pays emergents. Tel est le cas du Mexique qui depuis de nombreuses annees recourt aux nouvelles technologies et developpe l'administration electronique pour faire face aux defis budgetaires et aux problemes sociaux comme la pauvrete ou l'acces aux services de base de qualite auxquels il est confronte.

La France, quant a elle, a accelere son processus de modernization des administrations en particulier depuis la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er aout 2001. Cependant, cette question se posait des la fin de la decennie 1990, l'objectif etant de permettre de renforcer l'efficacite et l'efficience des politiques publiques. C'est dans cette perspective que s'inscrit la Revision Generale des politiques publiques amorcee depuis une decennie et qui conduit a reinventer en profondeur nos administrations publiques.

Or, il faut noter que la mise en place de l'administration electronique en France a ete menee par les plus hautes autorites nationales, etant precise que ce sont egalement celles qui sont chargees de la reforme de l'Etat et en particulier au niveau interministeriel, le Secretariat general du gouvernement et au niveau ministeriel, la Direction generale de la modernisation de l'Etat (DGME) qui a ete creee en 2005. Or, cette direction, qui releve du Ministere du Budget des Comptes publics et de la Reforme de l'Etat est egalement celle qui est chargee de piloter le suivi de la revision generale des politiques publiques (RGPP) et qui accompagne les ministeres dans leur transformation. Cette direction a egalement recu pour mission de simplifier les demarches administratives, d'ameliorer l'accueil et la qualite des services publics. Ainsi, le choix n'a pas ete fait d'attribuer le pilotage de l'administration electronique a une direction specifique qui aurait recu mission de conduire uniquement ce chantier pourtant important. Pour ce faire, la France a decide de creer un ministere de l'economie numerique en 2008 et il aurait pu etre envisage d'elargir les missions de celui-ci en lui confiant egalement le nouvel axe de reforme qui est en cours et qui vise a passer d'une administration papier a une administration numerique.

Cependant, le fait que la DGME pilote l'ensemble de ces missions n'a rien de surprenant dans la mesure ou il est admis par tous que l'administration electronique ne se limite pas a une simple numerisation de la documentation papier mais implique au contraire de repenser l'ensemble des procedures administratives dans un souci de simplification et d'efficacite. Avoir confie la RGPP et le pilotage de l'administration electronique a cette Direction repond donc a une coherence d'ensemble puisque ces deux axes poursuivent le meme objectif de rationalization des services publics, d'amelioration de leur efficacite, et au final de reduction des depenses publiques. La encore, il n'est pas anodin que cette direction soit situee au sein du Ministere du Budget, des Comptes publics et de la Reforme de l'Etat dont le role principal est actuellement de contenir la dette publique et de mieux maitriser les deficits publics.

§ 2. Les caracteristiques d'une demarche specifique

A) Une demarche particulierement volontaire

La France a decide d'adopter une demarche particulierement volontaire dans la mise en oeuvre de l'administration numerique. Cette orientation s'imposait d'autant plus que la France est entree avec un certain retard dans le processus de l'administration electronique. En effet, le fait d'encourager l'utilisation du minitel n'a pas ete de nature a inciter au developpement d'Internet. Or, celui-ci constitue un outil indispensable au developpement de l'administration electronique.

Pour rattraper son retard par rapport aux autres pays europeens comme la Suede ou l'Espagne, l'Etat a mene une politique interventionniste assez active a partir du milieu des annees 1990, d'une part envers ses propres services, mais d'autre part, egalement a destination des collectivites territoriales.

Les premices de cette revolution debutent en 1996 par l'adoption de deux circulaires qui avaient pour objectif d'equiper les services de l'Etat de ces nouveaux reseaux de telecommunication. La premiere circulaire institue la racine commune "gouv.fr" alors que la seconde traite plus precisement de la problematique des technologies de l'information et des telecommunications dans le cadre de la modernisation de l'Etat.

Cependant, la prise de conscience de la necessite de faire beneficier l'administration des technologies de l'information et de la communication resulte en realite du discours de Lionel Jospin, le 25 aout 1997 lors de l'Universite de la communication d'Hourtin. Les orientations definies par le premier ministre d'alors deboucheront sur la mise en oeuvre entre 1998 et 2002 du Programme d'action gouvernementale pour la societe de l'information (PAGSI) dont l'objectif est de preparer l'entree de la France a la societe de l'information. A ce titre, il prevoit, s'agissant de l'administration electronique, la generalisation des sites Internet publics et l'acces aux formulaires administratifs en ligne. Dans ce cadre, l'Etat a mis en ligne dans un premier temps, les textes legislatifs et reglementaires, puis a ouvert en 2000 un portail de l'administration francaise avant de permettre aux contribuables de declarer leur impot sur le revenu en ligne pour la premiere fois en 2001.

En novembre 2002, le gouvernement Raffarin presente un nouveau programme intitule "Pour une REpublique numerique dans la SOciete de l'Information (RE/SO 2007)" destine a donner une nouvelle envergure a la societe de l'information en France en favorisant le deploiement des infrastructures et des usages Internet et en developpant une deuxieme phase dans la reforme de l'administration electronique. Dans cette perspective, chaque ministere a ete invite a amorcer le processus de la dematerialisation des procedures administratives, en particulier celles qui sont les plus utilisees par les citoyens.

La creation en fevrier 2003 de l'Agence pour le developpement de l'administration electronique (ADAE) qui est une mission interministerielle rattachee aux services du Premier ministre avait pour objectif de mettre en oeuvre un nouveau programme gouvernemental appele ADELE 2004-2007 (acronyme d'Administration ELEctronique). Mis en oeuvre entre 2004 et 2007, le Programme gouvernemental ADELE comportait 140 mesures destinees a rapprocher les usagers des services publics grace au developpement de l'administration electronique pour simplifier les demarches administratives. Ce programme sera gere a partir de 2005 par la Direction generale de la modernisation de l'Etat (DGME) nouvellement creee.

Cette nouvelle direction va etre au coeur de la reussite du modele francais d'administration electronique puis numerique. A partir de cette date, cette reforme est envisagee comme un outil au service de la modernisation de l'Etat.

Les grands projets de dematerialisation de l'administration francaise sont lances a partir de 2004. Tel est le cas notamment des progiciels de gestion integres comme CHORUS et HELIOS dont l'objectif est de dematerialiser l'ensemble de la chaine de la depense pour l'Etat et pour les collectivites territoriales ou encore du programme ACTES qui vise a dematerialiser le controle de legalite, etant precise que cette dematerialisation porte chaque annee sur plus de huit millions d'actes echanges entre les collectivites territoriales et les services de l'Etat (deliberations, arretes, contrats, actes budgetaires...). La dematerialisation des marches publics est egalement rendue obligatoire a partir du 1er janvier 2005. Il faut noter que si ces differents projets sont portes par l'Etat, certaines collectivites territoriales decident egalement a la meme epoque se s'engager d'elles-memes dans la revolution numerique en modernisant leur gestion grace aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

En ce sens, il est possible de citer, par exemple, la region Bourgogne qui, sur proposition du gouvernement en 2003, a accepte d'etre la premiere a developper une propre plate-forme regionale d'administration electronique. Operationnelle depuis le 1er janvier 2005, cette plate-forme qui initialement concernait uniquement les marches publics en ligne s'est depuis generalise a l'ensemble des services dematerialises fournis aux usagers par les organismes publics ou prives charges d'une mission de service public. Constitue sous la forme d'une association, puis transforme en 2008 sous la forme d'un groupement d'interet public (GIP), e-bourgogne a pour objectif de mutualiser les equipements informatiques pour favoriser le deploiement de l'administration electronique. Cette mutualisation doit permettre une rationalisation des couts. Par exemple, pour ce qui concerne la dematerialisation des marches publics qui rappelons-le est desormais obligatoire, un investissement d'un euro sur cette plate-forme genere une economie de trois a quatre euros par rapport a un investissement qui aurait ete realise a titre individuel par la collectivite. Depuis, d'autres regions comme la Bretagne, ont egalement developpe une plate-forme similaire, le statut juridique pouvant cependant etre different puisque dans le cas breton, il a ete decide de creer e-megalis en 2006 sous la forme d'un syndicat mixte.

Une nouvelle etape intervient en octobre 2008, l'objectif etant de faire basculer la France vers une administration numerique et non plus seulement electronique.

En octobre 2008, Eric Besson, alors Secretaire d'Etat charge de la prospective de l'evaluation des politiques publiques et du developpement de l'economie numerique, presente un plan "France numerique 2012" consistant a favoriser l'investissement dans l'economie numerique afin de repondre au ralentissement de la croissance et a permettre a la France de rejoindre les autres pays developpes qui ont compris l'interet de cette evolution. Il s'agit autrement dit de replacer la France parmi les grandes nations numeriques a l'horizon 2012. Ce plan s'appuie sur quatre priorites: permettre a l'ensemble des francais d'acceder aux reseaux et aux services numeriques; developper la production et l'offre de contenus numeriques; accroitre et a diversifier les usages et les services numeriques dans les entreprises, les administrations et chez les particuliers; et enfin, renover la gouvernance et l'ecosysteme de l'economie numerique.

Pour favoriser le developpement de l'administration numerique, le plan France numerique 2012 prevoit notamment une premiere action a destination des agents publics puisqu'il encourage le teletravail dans le secteur publicen rappelant que ce mode de travail, pourtant peu utilise, favorise la flexibilite des salaries, reduit les deplacements domicile/travail et donc l'empreinte carbone et allege les charges de structure.

Une seconde action visant a ameliorer les politiques publiques grace au numerique est tournee vers les usagers. Pour ce faire, plusieurs perspectives sont envisagees et notamment, l'amelioration du service aux usagers passe par la mise en place d'une e-justice destinee a en faciliter son acces, grace au deploiement des TIC en matiere de service de sante et de bien-etre ou encore par une dematerialisation des procedures de bout en bout. Il est ainsi souligne la necessite de faciliter l'acces aux services de l'usager et d'assurer l'accessibilite des sites de l'administration.

La troisieme action pour permettre le passage a une administration numerique est tournee vers l'administration elle-meme. L'objectif est alors de contribuer a l'optimisation de son fonctionnement. Cette troisieme action est essentielle car elle conditionne le bon deroulement du processus de numerisation de l'administration. Autrement dit, sans ces actions, il n'est pas possible d'envisager une administration electronique moderne. La mise en place d'une administration electronique suppose bien entendu de prevoir et d'assurer l'archivage electronique des donnees et des documents numeriques qui ne vont cesser de se developper avec l'administration numerique. La mise en place d'une administration electronique implique en outre d'assurer l'interoperabilite entre les administrations. Enfin, il est necessaire de readapter l'Etat et de tourner son action vers les enjeux du numerique.

Enfin, la mise en place d'une administration electronique repose sur une confiance numerique. La quatrieme action consiste donc a mettre en place les outils necessaires pour assurer la confiance dans l'utilisation des services de l'administration numerique.

Il est certes interessant d'avoir etudie ces differents plans mais il est encore plus fondamental de se demander quelle en a ete leur portee au final. Or, en la matiere, il apparait que si la France a accuse un certain retard pendant de nombreuses annees dans la mise en oeuvre d'une administration electronique, elle a su devenir un pays pionnier en la matiere sous l'impulsion de ces plans successifs. Cette demarche particulierement volontaire s'est donc revelee benefique puisque la France qui etait classee en 2003 a la vingt-cinquieme place des pays les plus avances en matiere d'e-administration, a progresse par la suite pour passer a la vingt-quatrieme place en 2004, puis a la vingt-troisieme place en 2005. Les reformes menees n'ont cependant commence veritablement a porter leurs fruits qu'ulterieurement puisqu'en 2007, la France figurait au dixieme rang d'une etude menee sur trente et un pays pour mesurer le nombre et le degre d'interactivite des services publics en ligne. Surtout, l'OCDE placait la France en huitieme position concernant l'indice d'adaptation a l'administration electronique en 2008.

Des progres restent cependant a faire pour inciter les usagers a recourir aux services publics en ligne alors meme que les Francais sont relativement bien equipes. En effet, les entreprises ont eu acces en 2009 a 97% a Internet et a 93% a une connexion a bande large et ont recu pour 12% d'entre elles des ordres en ligne au cours de l'annee precedente. Quant aux menages, ils etaient, en 2010, 74% a disposer d'un acces a Internet et 64% a avoir un acces a une connexion a bande large. En outre, 75% des personnes utilisaient Internet au moins une fois par semaine et 42% avaient au cours des trois derniers mois achete ou commande en ligne. Pourtant seules 77% des entreprises utilisaient en 2009 Internet pour obtenir des informations administratives, 68% pour telecharger des formulaires et 67% pour retourner des formulaires remplis. Les menages, quant a eux, etaient, en 2010, 29,7% a utiliser Internet pour obtenir des informations administratives, 21,9% pour telecharger des formulaires et 16,7% pour retourner des formulaires remplis aux services des administrations publiques.

Aujourd'hui, il semble que l'enjeu de la reforme de l'administration numerique se situe au niveau local. L'Etat continue son processus de modernisation mais comme explique precedemment, les collectivites territoriales s'impliquent egalement desormais fortement dans cette reforme de l'administration numerique, ce qui est indispensable car la France est un Etat certes unitaire mais decentralise. Les nombreuses competences octroyees aux collectivites territoriales impliquent donc que celles-ci soient desormais des acteurs a part entiere de la revolution numerique. Pour illustrer cette evolution, il est possible de citer, outre les exemples de plate-formes regionales evoquees precedemment, le cas des villes comme Rennes ou Paris qui, a l'instar nombreuses villes a l'etranger, ont mis en place une politique d'open data, ou encore la situation de la ville de Clermont-Ferrand qui utilise l'analyse predictive pour optimiser la gestion de ses services publics. Par ces actions, ces collectivites territoriales participent a la mise en oeuvre d'une ville intelligente et rejoignent par-la les nombreuses collectivites d'autres pays qui ont compris l'interet du numerique pour le developpement local (Etats-Unis, Canada, Pays scandinaves, Espagne...).

B) Une administration respectueuse des droits fondamentaux

La volonte de la France de developper une administration electronique, puis numerique qui soit respectueuse des droits fondamentaux s'est manifestee des le debut de la revolution numerique. A cet egard, il convient de rappeler que Jean-Pierre Raffarin, au moment de la presentation du programme RE/SO 2007 en novembre 2002 soulignait que "la societe de l'information n'aura de sens que si elle est une societe de l'information partagee, une societe de l'information pour tous. C'est donc une Republique numerique, fidele a la devise qui est au fronton de nos institutions, que nous voulons ancrer dans la societe de l'information". Autrement dit, il s'agit de faire emerger une Republique numerique qui, selon l'article 2 de la Constitution, respecte le triptyque "Liberte, egalite, fraternite".

Cette orientation constitue bien un modele que la France souhaite exporter des cette epoque, le Premier ministre affirmant alorsla volonte de ce pays de defendre "cette vision d'une societe de l'information reconciliant solidarite et innovation dans toutes les enceintes internationales ou le debat sera ouvert". Depuis, cet engagement perdure. Ainsi, en novembre 2011, Francois Fillon, Premier minister en exercice a reitere la volonte de la France de mettre "la revolution numerique (...) a la portee de tous" et pour ce faire, a decide de consacrer 21 milliards d'euros sur les dix prochaines annees pour le developpement de ce secteur, l'objectif etant de parvenir a 70% des foyers connectes au tres haut debit d'ici 2020 et 100% a l'horizon 2025.

Cettepreoccupation n'est certes pas nouvelle puisque des 1978, la France se dotait d'une legislation destinee a concilier la revolution informatique avec la necessaire garantie des libertes. Cette orientation n'a cesse de se poursuivre par la suite, avec en particulier la volonte de la France de garantir la protection de la vie privee.

Depuis tres longtemps, les Francais ont majoritairement confiance dans leur administration et dans les usages que celle-ci peut faire de ses donnees personnelles. Il importe de s'assurer que cette confiance perdure a l'ere du numerique. Aussi, la France a-t-elle adopte un referentiel general de securite (RGS). En outre, le plan France numerique 2012, puis le plan France numerique 2020 presente en novembre 2011, insistent-ils sur la necessite de renforcer la confiance numerique, et pour ce faire, de developper notamment la signature electronique. Cette securisation et la confiance qui en decoule sont necessaires pour garantir le maintien d'un certain degre de liberte dans l'utilisation des services en ligne. De meme, toujours s'agissant du respect des libertes fondamentales, le France entend veiller a la neutralite d'Internet.

En ce qui concerne l'egalite, la France souhaite reduire la fracture numerique. En ce sens, elle a developpe un referentiel general d'accessibilite dont l'objectif est de permettre une harmonisation de la presentation des sites Internet pour en permettre l'acces aux personnes agees et handicapees. De meme, pour permettre a un plus grand nombre de personnes d'avoir acces aux nouvelles possibilites offertes par Internet, un tarif social a ete developpe, permettant la encore de reduire la fracture sociale. Mais la fracture numerique est egalement territoriale. Aussi, de nombreux investissements ont-ils ete realises ces dernieres annees ou sont-ils prevus pour deployer les infrastructures haut debit sur l'ensemble du territoire. Certains elus estiment certes que l'effort de l'Etat en la matiere reste insuffisant mais celui-ci est neanmoins significatif puisqu'il est prevu qu'il se poursuivra jusqu'en 2020 pour permettre une couverture totale du territoire a cette date. Il faut noter que cette mesure releve egalement de la fraternite puisqu'il s'agit d'equiper les territoires moins peuplees qui seront donc moins rentables grace aux benefices realises sur les territoires ayant une plus grande densite de population et dont les investissements sont plus rapidement rentabilises.

Au final, il apparait bien que la France construit son propre modele. Celui-ci presente certes des caracteristiques communes a d'autres pays, ne serait-ce que parce que les technologies de l'information et de la communication participent a une uniformisation des reformes et des standards developpes dans le monde. Cependant, les specificites francaises sont suffisamment nombreuses en raison de l'histoire de ce pays et de sa tradition administrative pour lui permettre d'adapter le modele commun a sa realite et chercher a exporter les valeurs qu'il sous-tend.

У. Жиль*(53)