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§ 67. Les doublets. Ainsi qu'il s'ensuit des faits analysés, le voca­bulaire français examiné du point de vue de son origine se compose de trois couches essentielles de mots :

1) les mots d'origine populaire ;

2) les mots d'origine savante ;

3) les mots d'origine étrangère.

Il peut arriver que deux mots appartenant à deux couches différentes proviennent étymologiquement d'un même vocable introduit dans la lan­gue française par deux voies distinctes. Nous sommes alors en présence de doublets.

Signalons quelques exemples lorsque le même mot latin a pénétré en français par des voies différentes.

mot lat.

auscultare

captivus

fragilem

pensare

integrum

fabrica

hospitale

liberare

advocatum

legalem

mot fr. pop.

écouter

chétif

frêle

peser

entier

forge

hôtel

livrer

loyal

mot fr. sav.

ausculter

captif

fragile

penser

intègre

fabrique

hôpital

libérer

avocat

légal

mot lat.

mot de souche fr.

mot repris à une

langue étrangère

(vivante)

balneum caballarium

bain chevalier

bagne < ital. bagno -« bain » (cf. : баня en russe) cavalier ital.

dominam

dame

duègne esp.

nigrum

noir

nègre esp.

Les doublets sont parfois la conséquence du retour dans la langue d'origine de mots déformés à la suite de leur séjour plus ou moins dura­ble dans une autre langue. Tels sont tunnel, interview, humour, car em­pruntés à l'anglais, et leurs parents français tonnelle, entrevue, humeur et char.

Dans la majorité des cas les doublets se spécialisent quant à leur sens (cf. : livreretlibérer,peseretpenser) ; plus rarement les doublets sont des synonymes qui diffèrent toutefois par les nuances de leurs acceptions et par leur emploi ; ainsi pourfrêleetfragileon diraune personnefrêle,une santé frêle, une plante frêle, maisun objet fragile}

§ 68. Le rôle des emprunts dans l'enrichissement du vocabu­laire. L'emprunt aux autres langues est un processus naturel et régulier qui découle de l'établissement de contacts toujours plus étroits entre les peuples. En principe, les emprunts enrichissent la langue qui les accueille.

Le français ne fait pas exception à cette règle. A. Sauvageot écrit à ce propos : « Que le français emprunte des vocables à d'autres langues est une pratique banale, connue de toutes les langues. En général, tout concept, dès qu'il a été élaboré dans une langue, peut passer dans tout autre idiome, soit en gardant sa forme, rarement sa prononciation d'origi­ne, soit en étant adapté à la langue emprunteuse.... Tout vocable conve­nablement adapté à la prononciation française se confond avec les mots du fonds national. Il n'y a donc aucune raison de renoncer à emprunter un terme étranger commode ou même indispensable dès lors qu'il remplit cette condition » [39, p. 139]. Il arrive cependant que dans certaines pé­riodes les emprunts deviennent abusifs et, par conséquent, fâcheux. C'est ainsi que la mode des italianismes à la cour royale au XVIe siècle a susci­té une réaction légitime de la part des gardiens de la pureté de la langue. L'activité de H. Estienne à cet égard est connue.

L'influence excessive de l'anglais sur le français au XIXe siècle a provoqué pour autant la protestation des hommes de lettres. Dans quel­ques poèmes A. de Musset a parodié l'anglomanie des dandys de son temps. On lit dans Mardoche :

...son compagnon, compère et confident.

Était un chien anglais, bon pour l'œil et la dent.

Cet homme, ainsi reclus, vivait en joie. - A peine

Le spleen le prenait-il quatre fois par semaine.

puis :

And how doyou do, mon bon père, aujourd'hui ?

et dans Les secrètes pensées de Rafaël :

Dans le bol où le punch rit sur son trépied d'or.

Le grog est fashionable ..

Vers la même époque Viennet, un des derniers représentants du clas­sicisme, s'attaque, en qualité de puriste fervent et non sans parti pris, à toute sorte d'emprunts et, notamment, aux anglicismes. Dans son Epître à Boileau, déclamée en 1865 à la séance solennelle de l'Institut de Fran­ce, il écrivait :

On n 'entend que des mots à déchirer le fer.

Le raihvay, le tunnel, le ballast, le tender,

Express, trucks et wagons ; une bouche française

Semble broyer du verre ou mâcher de la braise...

Plus récemment les défenseurs de la pureté et de l'homogénéité rela­tive de la langue française ont aussi réagi vigoureusement contre la péné­tration massive des anglicismes et des américanismes. Déjà dans les années 50 du dernier siècle dans son ouvrage précité sur l'emprunt L. Deroy écrivait : « ...en France, on emploie le plus souvent des ternies anglais par snobisme, par engouement ou par caprice de l'heure... » [36. p. 169].

Dans les mêmes années Félix de Grand'Combe dresse une liste de termes superflus en français en les faisant accompagner de ses remar­ques. Signalons entre autres : « businessman : en quoi ce mot est-il préfé­rable à « homme d'affaires ? » : label : ne veut rien dire de plus en anglais qu'« étiquette » : shopping : pas la moindre excuse pour cet anglicisme puisque le français dispose de deux mots excellents, « achats » et « em­plettes ». pour ne rien dire d'« acquisitions ».

De nos jours les linguistes continuent à suggérer leurs variantes fran­çaises pour les xénismes anglais. Ainsi on propose parleuse ou diseuse pour speakerine,parc, parcage ou stationnement pour parking, spectacle pour show.

Des recommandations officielles sont données dans le « Dictionnai­re des mots contemporains » de Gilbert P. (P.. 1991) dont entre autres. conteneur pour container, palmarès pour hit-parade, matériel pour hard­ware, texte pour script.

Dans son virulent programme pour la pureté de la langue française d'aujourd'hui « Parlez-vous franglais ? » R. Etiemble écrit : « Observez que ce sont toujours les mêmes qui sabirent atlantique et qui, lorsqu'ils ont recours au français, le massacrent : tantôt à renfort de mots grandilo-! quents et de tours prétentieux (politiciens, administrations publiques et privées), tantôt à irruption massive d'impropriétés, de solécismes et de barbarismes » [40, p. 303].

En dépit de ces protestations virulentes la propagation des anglicis­mes (britanniques ou américains) ne saurait être stoppée arbitrairement compte tenu de la suprématie technique et scientifique des pays tradition­nellement anglophones. En plus, d'autres facteurs ont contribué à ce mou­vement : l'anglais, tout comme le français, a subi une forte influence du latin, le français lui-même a marqué de son empreinte l'anglais au cours , des siècles. Il en est résulté que la structure des vocables des deux langues est à un haut degré homogène (exception faite à la prononciation).

Non seulement l'abondance des xénismes baroques d'origine anglo-américaine mais aussi le recours abusif aux mots et éléments formateurs latins et grecs devient pour les linguistes un sujet d'inquiétude. Selon A. Sauvageot « La latinisation à outrance, combinée à une hellénisation de plus en plus active, finirait par changer complètement l'aspect et la consistance de notre vocabulaire » [39. p. 134]. Ainsi, remarque-t-il. crédible n'est que le doublon de croyable et éradiquer menace déraci­ner qui marque une tendance à restreindre son emploi : traumatisé évin-t ce choqué et le tour élégant averses éparses est remplacé par averses sporadiques.

Un principe fondamental s'impose : quand les emprunts étrangers n'enrichissent guère la langue, quand leur emploi est dicté par la mode ou -, s'ils sont propagés de force, la lutte pour l'indépendance et la pureté de la langue devient indispensable. Seuls, ceux des emprunts sont légitimes qui comblent une véritable lacune en tenant lieu d'une périphrase gauche et lourde et dont l'aspect n'est pas choquant dans la langue emprunteuse. Telle est la création poster une lettre, surgie sous l'influence du verbe anglais to post. et qui est préférable à jeter une lettre à la boîte ; tel a été aussi le cas pour analphabétisme, emprunt italien, qui n'avait point son équivalent lexical en français. L'emprunt est nécessaire lorsqu'il s'agit de désigner une chose proprement étrangère (cf. : pudding, samovar, taïga, yatagan).

Afin de subvenir au manque d'un vocable allogène utile il est préfé­rable de faire appel à un emprunt sémantique ou à un décalque que de laisser s'infiltrer un xénisme à allure rébarbative. Ainsi l'acception an­glaise de approach est parfaitement reproduite par approche dans appro­che d'un problème et celle de dispatcher par répartiteur.

En conclusion on peut affirmer que l'utilisation dans une mesure raisonnable des mots d'emprunt, sans encombrer et affaiblir la langue, contribue à son enrichissement et sa consolidation.

L'expérience historique démontre qu'à quelques exceptions près la langue conserve en fin de compte ceux des mots d'emprunt qui lui sont utiles, qui n'ont pas d'équivalents autochtones suffisamment précis et expressifs.

Les ouvrages lexicographiques proposent des formes françaises ou francisées pour un nombre considérable d'emprunts baroques ; citons les équivalents recommandés pour quelques anglicismes néologiques : ca­dreur pour cameraman, régulateur pour dispatcher, prêt-a-manger pour fast-food, palmarès pour hit-parade, logiciel et matériel pour software et hardware, baladeur pour walkman. C'est l'usage qui, en définitive, déci­dera du sort de ces emprunts.

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