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§ 25. La métaphore. La métaphore ( du grec metaphora qui signifie proprement “transfert”) est la dénomination d`un objet par un autre lié au premier par une association de similitude.

Par métaphore on désigne un nouvel objet ou phénomène qui, contrairement à la métonymie, suppose quelque propriété ou trait commun avec l`objet ou le phénomène antérieurement désigné par le mot. C`est précisément ce trait commun qui permet d`établir un rapport de similitude entre des objets et des phénomènes différents. Pourtant ce lien de similitude qui est à la base de la métaphore est parfois subjectif, arbitraire, le rapprochement des objets inattendu. Ainsi, on apelle une tête de loup une brosse ronde portée sur un long manche et servant à nettoyer les plafonds, quoiqu`il n`y a pas de ressemblance évidente entre cette brosse et une tête de loup.

La figure de la métaphore sera: abcdec ou c est l`indice notionnel commun. La métaphore est un procédé sémantique extrêmement fécond. Tout comme la métonymie elle crée de nouveaux sens et emplois sémantiques. Les métaphores concrètes sont bien fréquentes. Ce sont souvent les noms d`objets qui servent à désigner d`autres objets de la réalité: le nez d`un navire; le bec d`une bouilloire, d`une théière; le col d`une bouteille; le pied d`une colline; un bras de mer; la crête d`une montagne; les dents d`un peigne, etc. Parmi ce genre de métaphores on peut nommer, en particulier, les substantifs désignant des instruments de travail: mouton – «баба для забивки свай», bras – «кронштейн».

Certains métaphores désignent l`homme par le nom d`un objet concret: C`est une scie cette femme! (une personne ennuyeuse); Quelle grande perche de fille! (longue comme une perche); C`est une véritable fontaine! (une personne qui pleure facilement); un drôle de zèbre! – “un individu bizarre”.

Souvent les métaphores désignent l`homme par le nom d`un animal quelconque ; ce sont parfois des appellations injurieuses: un animal (скотина) et aussi un gorille – “garde du corps, agent secret”, un cochon, un âne, une oie, une pie, une vache.

La métaphore est un moyen très usité de la création de sens et d`emplois abstraits partant de sens concrets. On dit: une lourde besogne, une profonde douleur, un reproche amer, le feu des passions, la dureté de l`âme, le printemps de la vie, être bouillant de colère, un avenir lumineux, une situation douillette, un carrousel ministériel, l`opinion publique a basculé, renouer un dialogue, briller par son esprit, etc. Les métaphores de ce genre sont très nombreuses, on en crée à tout moment, souvent dans les buts expressifs. Citons-en quelques-unes parmi les plus récentes: basculer – “changer d`une facon soudaine et irréversible” (cf.: le temps avait basculé) ; bloquer – “empêcher de réussir, de fonctionner”; carrefour – “situation où on est obligé de choisir entre plusieurs décisions possibles”; bombe – “nouvelledont la divulgation cause une vive surprise, un scandale, etc.”; boomerang – “acte hostile ou argument qui se retourne contre son auteur et lui cause un dommage”.

À l`origine la métaphore comporte toujours une image . Toutefois grâce à son caractère conventionnel la métaphore perd facilement son caractère imagé, et parfois seules des dépouilles étymologiques font revivre l`image initiale. Tel est le cas de branche qui dans le latin populaire recelait l`image de “patte d`animal”. On peut dire la même chose de rue, poudre, penser qui à l`origine signifiaient respectivement “ride”, “poussière”, “peser”.

Tout comme les métonymies les métaphores de la langue sont des dénominations directes d`objets ou de phénomènes ou bien des acceptions figurées et émotives (cf.: bouton-d`or, bras d`un fauteuil, un petit monstre, quel charcutier!, un gobeur de fausses nouvelles).

À côté de la métaphore vient se placer un procédé d`évolution sémantique basé sur la similitude de la fonction de deux objets. Ce phénomène repose non pas sur la ressemblance des objets comme tels, mais sur la similitude de la fonction qu`ils remplissent et qui permet de les rapprocher. Ainsi les mots plume et fusil désignaient autrefois : le premier, « une plume d'oie pour écrire », le second, « le foyer >v(du lat. pop. facile, de fociis - « foyer ») ; par la suite ces mots ont désigné des objets nouveaux associés aux premiers grâce à la communauté de leurs fonctions.

Non seulement ce moyen sémantique rappelle la métaphore, mais il se confond souvent avec elle. En effet, des cas se présentent où l'on transfère le nom d'un objet à un autre comparé au premier quant à la communauté de la fonction et la ressemblance extérieure. Le peigne n'est pas uniquement un instrument taillé en forme de dents et servant à dé­mêler ou retenir les cheveux, mais également un outil spécial de forme et de fonction semblable dont on se sert pour apprêter la laine, le chan­vre, etc.

Quelles sont les sources des métaphores ? Les métaphores ont à leur base des comparaisons puisées dans tous les domaines de l'activité de l'homme. Chaque profession, chaque métier, chaque occupation estime source intarissable de comparaisons, donc de métaphores. Ainsi le sport a donné naissance à se cabrer, aller à toute bride, tenir le dé (de la conver­sation), l'échapper belle (« manquer une balle » dans le jeu de paume). faire échec à : la chasse a donné : être à l'affût de, ameuter, appât, dépis­ter, faire une battue, revenir bredouille : la vie'militaire a engendré : battre en retraite, faire assaut d'esprit, de politesse ; de la marine nous avons : s 'embarquer dans une affaire, chavirer.

Les métaphores sont surtout nombreuses dans l'argot. Pour s'en con­vaincre on n'a qu'à passer en revue les mots d'argot désignant certaines parties du corps humain. Pour têteon ditboule, cafetière, citron, œuf, pomme, cerise; pourvisage on ahure, façade, bobine;une têtechauvedevientun caillou;les jambesdeviennentdes quilles,des tuyaux:le ventreestun buffetou un coffre. Cette abondance s'explique par le re­nouvellement constant de l'argot1.

§ 26. Le glissement de sens.Les multiples emplois d'un mot dans la parole mettent l'accent tantôt sur l'une tantôt sur l'autre de ses nuances de sens. Il en sera ainsi depâledansun visagepâle (décoloré),un soleil pâle(sans éclat),bleu pâle(faible de couleur) : deeffacerdanseffacer des traces de crayonset dans cette phrase de Saint-Exupéry . « II leva les yeux vers les étoiles... presqueeffacéesles affiches lumineuses... »

Dans son ouvrage « La science du mot. Traité de sémantique » A. Carnoy a proposé une formule évocatrice de ce phénomène : abcd > abcd > abcd> abcd > abcd où les lettres en caractères gras traduisent lesnuances de sens mises en relief dans la parole et le signe > - l'apparition d'un emploi particulier. Deux possibilités se présentent : ou bien le mot élargit ses emplois sémantiques, alors que son sens n'est guère affecté (nbcd > abcd). ou bien il acquiert un sens nouveau (abcd > a/bccl/-^ a) En effet, si l'environnement ne fait ressortir régulièrement que certaines nuances sémantiques d'un mot au détriment des autres, ces dernières finiront par tomber dans l'oubli et le sens du mot évoluera.

A la suite du glissement de sens le contenu sémantique des mots peut changer complètement : ainsi, en partant de l'idée de surnaturel les mots merveille, merveilleux, féerie, féerique, magique, prestigieux, enchanté, enchanteur, ensorcelant, fascinant et charmant, sont -parvenus à rendre l'idée de beauté' : chétif qui à l'origine voulait dire « captif, prisonnier » a pris le sens de « faible » en passant par « malheureux » : autrefois étrange < estrange signifiait « étranger » et aujourd'hui « bizarre » : craindre < cremere < Iremere dont le sens était « trembler » est devenu par la suite un synonyme de redouter.

Le glissement de sens peut créer la polysémie : innocent ne s'appli­que pas seulement à celui qui n'est pas coupable, mais également à celui qui est crédule, naïf ; pauvre signifie non seulement « dépourvu du néces­saire ». mais aussi « malheureux », dérober correspond aussi bien à « prendre furtivement le bien d'autrui » (dérober de l'argent) qu'à « ca­cher, dissimuler » (un escalier dérobé).

Le glissement de sens est un phénomène fort répandu, basé sur la coexistence dans le contenu sémantique d'un mot d'indices notionnels (nuances) contigus. Éventuellement tout mot exprimant une notion peut subir l'effet de ce procès sémantique, mais il est surtout caractéristique des mots abstraits dont les notions offrent plus de fluctuations.

§ 27. L'amélioration et la péjoration du sens. Les procès sémanti­ques examinés jusqu'ici représentent des modifications d'ordre logique. Ils sont parfois accompagnés de modulations affectives qui portent sur le contenu sémantique des mots en lui ajoutant des nuances favorables ou défavorables.

Ce sont surtout les cas d'« avilissement » de sens qui sont fréquents.

Un mot dont le sens primitif est neutre peut prendre une nuance dé­favorable. Dans « Le jacassin » de P. Daninos, chez qui les dons d'humo­riste rivalisent avec ceux de philologue, nous lisons à propos de garce et fille cette plaisante remarque :

« L'évolution du langage ne se montre décidément pas galante pour le beau sexe. Garce, longtemps féminin de garçon, a commencé à mal tourner vers 1587. Quant à fille, si l'appellation est innocente au début de la vie (« Fille ou garçon ? »), elle ne tarde pas à servir aux femmes pour désigner toute femme avec qui leur mari les trompe : « Et c'est une fille de quel âge ? »'.

Toujours selon le témoignage de P. Daninos, le sort de bourgeois n'a pas été plus heureux : « Ennemi traditionnel des ouvriers, des aristocra­tes, des artistes, des snobs et des bourgeois eux-mêmes qui n'acceptent volontiers le mot que précédé de grand. Au féminin devient nettement péj »

Les causes de la dégradation du sens sont différentes. On peut noter, entre autres, l'attitude dédaigneuse que manifestent les représentants des classes dirigeantes à l'égard de certains métiers, de certaines occupations. Le mot rustre qui signifie encore parfois « un campagnard, un paysan » est surtout pris en mauvaise part, dans le sens d'« homme grossier ». Le mot vilain < bas lat. villanus qui signifie proprement « habitant de la campagne » a subi le même sort. Paysan et campagnard sont aussi par­fois employés avec ironie. Manant désignait autrefois « l'habitant d'une ville, d'un bourg, d'un village, un paysan ». à présent ce mot apris le sens d'« homme grossier ». Un épicier, « propriétaire d'une épicerie ». par­vient à désigner « un homme à idées étroites, à goûts vulgaires qui ne cherche qu'à gagner de l'argent». Le mot soudard qai désignait autrefois « un soldat mercenaire » signifie à présent « homme baital et grossier ». Un brigand désignait jadis « un soldat allant à pied et faisant partie d'une brigade » ; aujourd'hui il a un sens nettement négatif. Les mœurs dépra­vées des soldats ont contribué au développement des sens défavorables de ces deux derniers mots.

Les noms de nations et de peuples acquièrent aussi parfois un sens péjoratif non sans l'influence des idées chauvinistes et nationalistes que nourrit la bourgeoisie réactionnaire. Ainsi Bohémien devient le synom -me de « fripon, filou » : gaulois a parfois le sens le « scabreux, grivois » On dit filer a l'anglaise, chercher une querelle d'allemand, parler fran­çais comme un Basque espagnol, (variante de l'expression : « parler français comme une vache espagnole »). Le mot boche de caboche, ser­vait à désigner primitivement un habitant de l'Alsace « têtu et peu dé­gourdi » ; par la suite il a été pris en mauvaise part pour désigner un Allemand.

Des mots empruntés aux langues étrangères sont souvent dégradés : habler (empr. de l'esp.hablar-«. parler ») a le sens de « parler beaucoup en se vantant » (cf. : hâblerie, hâbleur, -se) ; rosse (empr. de l'ail. Ross -« coursier ») signifie « mauvais cheval » ; palabre (empr. de Pesp.pala­bra - « parole ») - « discours long et ennuyeux ».

Parfois la dégradation du sens est due à ce que l'objet ou le phéno­mène désigné par le mot évoque des associations négatives. Ainsi, oiedevient le synonyme de « personne sans intelligence » ;sale - signifie « qui blesse la pudeur » danssales paroleset a le sens de « contraire à l'honneur » dans unesale affaire ; fanges'emploie comme synonyme de « vie de débauche » ;bourbier prend le sens de « embarras » etpourricelui de « grande corruption morale ».

La dégradation du sens des mots est souvent causée par leur emploi euphémique.

Un e u p h é m i s m e est un mot ou une expression employé à dessein afin d'éviter l'évocation d'une réalité désagréable ou choquante. L'emploi euphémique d'un mot aboutit à la modification de la structure sémantique de ce dernier.

Par superstition religieuse ou autre on a parfois évité de prononcer les mots désignant la mort, certaines maladies, des choses « sacrées ». C'est ainsi que le verbe mourir est remplacé par passer, trépasser, décéder, s'en­dormir, rendre l'âme, partir, s'en aller, disparaître, quitter le monde, quitter les siens, fermer les yeux, s'endormir du sommeil de la tombe. Au lieu d'epilepsie on dit le haut mal ou bien le mal caduc.

Outre les euphémismes de superstition il y a des euphémismes de politesse ou de décence. Les euphémismes de décence sont des vocables au moyen desquels on adoucit un terme, une expression trop réaliste. Il est plus poli de dire simple, innocent, benêt que bête ; inventeroudéfor­mer la véritésont moins choquants quementir ; au lieu desoûlon préfè­re direun peu gris,gai, gaillard, attendri, ému, n 'avoir pas été complètement sage. En argot au lieu de direvoleron emploiera de préférencecommettre une indélicatesse, travailler, opérer, acheter à la foire d'em­poigne, ne pas avoir les mains dans les poches.

Les mots peuvent subir une évolution sémantique opposée ; ils peu­vent améliorer leur sens, s'ennoblir. Toutefois ces cas paraissent être moins fréquents.

La nuance péjorative que certains mots possédaient à l'origine s'est estompée ou s'est effacée complètement. Tel est le cas de bagnole qui s'emploie de plus en plus souvent au sens neutre d'« automobile ». Bou­quin a suivi la même voie : de « livre de peu de valeur » il est parvenu à désigner n'importe quel livre.

Ce sont parfois des mots 'dont le sens primitif est neutre et qui au cours de leur développement prennent une nuance favorable Un cas inté­ressant est offert par l'évolution sémantique du mot bougre qui provient du latin Bulgarus ou autrement dit « un Bulgare ». Parmi les Bulgares on comptait un grand nombre d'hérétiques. De là le mot bougre a signifié « hérétique » : du sens d'« hérétique » on en est venu au sens d"« homme débauché ». et encore de « fripon, filou » : pourtant plus tard la nuance péjorative du mot s'est affaiblie et il a commencé à se nuancer favorable­ment ; aujourd'hui on dit C'est un bon bougre ! dans le sens d'« homme à cœur ouvert, franc et sympathique ». L'adverbe bougrement exprime le degré supérieur de la manifestation d'une qualité : C'est bougrement joli Le mot chien a subi une évolution analogue. Au sens figuré ce mot a été marqué d'une nuance défavorable (cf. : « Chien de philosophe enragé ». M o 1 i è r e). On dit encore aujourd'hui avoir une humeur de chien, il fait un temps de chien. Mais au XIXe siècle le mot chien commence à prendre une valeur positive : et on dit familièrement avoir du chien pour « avoir du charme »

§ 28. L'affaiblissement et l'intensification du sens (hyperbole et litote).L'affaiblissement du sens est une conséquence de l'emploi abusif, hyperbolique des mots ; il présente un moyen affectif de la lan­gue.

Les hyperboles sont bien fréquentes parmi les formules de politesse On dit être ravi, être enchanté défaire la connaissance de qn sans pren­dre les mots à la lettre. On exagère sans trop le remarquer lorsqu'on dit c 'est assommant, esquintant, crispant, tuant, rasant pour « c'est en­nuyeux ! » ou bien il y a des siècles, il y a toute, une éternité qu 'on ne vous a pas vu pour « il y a très longtemps qu'on ne vous a pas vu ». Très imagées sont aussi les hyperboles telles que aller comme le vent, marcher comme une tortue, verser un torrent de larmes.

L'emploi des termes exagérés est souvent une affaire de mode Kr. Nyrop signale que « les courtisans du temps de Henri 111 abusaient des adverbes divinement, extrêmement, infiniment ». Nous employons des hyperboles en disant : C'est prodigieux ' C'est renversant ! C'est épatant ! C 'est formidable, spectaculaire, sensationnel, époustouflant ' C 'est super, extra, géant, génial!

À force d'être constamment répétées les hyperboles finissent par s'user : elles perdent leur valeur expressive et. par conséquent, leur affec­tivité. Nous assistons alors à l'affaiblissement de leur intensité émotion­nelle, autrement dit à l'affaiblissement du sens. Ainsi le verbe blâmeravait primitivement le sens de « proférer des blasphèmes, maudire ». et dans ce sens il s'employait souvent comme hyperbole : à présent l'hyper-bole n'est plus sentie et ce mot s'emploie dans le sens de « désaprouver ; reprocher ». Autrefois le substantifennuidésignait « une grande souf­france ». et aujourd'hui « une lassitude morale ». Lagênesignifiait « tor­ture » etgêner- « torturer ».Meurtriravait le sens de « tuer ». comme l'atteste encoremeurtreetmeurtrier.

Par contre, lorsque nous voulons faire entendre le plus en disant le moins nous employons une litote (du gr. . litotes- « petitesse ») qui signifie « diminution ». Au lieu deil est intelligenton ditil n 'est pas bête: en parlant d'une pièce ennuyeuse on ditqu 'elle n 'est guère amu­sante: pour ne pas blesser une femme d'un âge avancé on diraqu'elle n 'est plus jeune. On atténue l'idée dansil est peu recommandable, oùpeu équivaut à « pas du tout ». La locutionpas du tout,nettement péremptoi-re. peut être aussi remplacée parpas vraiment.

Les litotes, qui présentent un procédé affectif opposé à l'hyperbole, amènent à l'intensification du sens des mots.

§ 29. Les modifications du signalement. Les modulations dans la structure de la signification lexicale ne se bornent pas aux transforma­tions que subit le contenu idéal, elles atteignent les emplois traditionnels et stylistiques, autrement dit. le signalement des vocables.

L'usage varie au cours des siècles On ne dira plus comme au temps de Gace Brûlé :

« Or ne haïs rien tant que le jour, Ami, qui me départ de vous ».ou bien .

« Quand je gis au dedans du lit... ».

quoique les verbes départir et gésir aient gardé les sens de « sépa­rer » (départir l'or de l'argent) et « être couché » (il gisait sur le sol) Les mots ouïr, chef («tête ») d'un usage courant jusqu'au XVI siècle, ne sont possibles que dans certaines tournures : j 'ai oui dire que. se couvrir le chef.

A chaque époque il y a des fluctuations quant à l'emploi des mots. l'heure actuelle les tournures dans le but de, fixer quelqu 'un, avoir très faim, il n'y a pas que des hommes suscitent des discussions. Peut-être verra-t-on s'imposer des emplois tels que arrêter de faire qch, excessive­ment bien condamnés encore par les dictionnaires soucieux du bon usage.

Notons aussi la variabilité dans le temps des caractéristiques stylisti­ques des vocables. Par exemple, dans le Petit Larousse de 1952 les verbes envisager (envisager une question}, l'expression se brûler la cervelle ont la marque « fam. » qui est absente déjà dans l'édition de 1960 ; avoir de la veine - « avoir de la chance ». rouspéter - « protester, maugréer » qualifiés de populaires dans l'édition de 1 952 figurent également comme familiers dans celle de 1960 et les suivantes. Signalons encore dégouli­ner en douceur - « doucement » (une voiture démarre en douceur), ac­crocher qn (accrocher qn au passage), arpenter - « marcher de long en large ». assommer qn - « ennuyer, importuner ». astronomique - « très élevé, exagéré » (des prix astronomiques) qui depuis peu ne portent plus la marque « fam. » dans les dictionnaires.

Un cas particulièrement représentatif est offert par l'expression en avoir ras le bol encore récemment perçue comme indécente (vu le sens argotique de bol - « postérieur »), mais couramment employé aujourd'hui : son dérivé le ras-le bol - « le fait d'en avoir assez » - semble avoir été rangé d'emblée parmi les mots stylistiquemcnt neutres.

À partir du milieu du XXe siècle on assiste à un mouvement accéléré de neutralisation du français qui se manifeste par « un abaissement des barrières entre les divers niveaux de la langue » [17, p, 57J. Des vocables de plus en plus nombreux franchissent les limites d'un style fonctionnel qualifié de « vulgaire » pour pénétrer dans la langue parlée qui pourrait être qualifiée de « niveau neutralisé de la langue » [17. p. 56].

§ 30. Grammaticalisation et lexicalisation. L'évolution sémanti­que peut conduire, d'une part, à lagrammaticalisation de mots pleins et. d'autre part, aune lexicalisation des formes grammaticales. Lagrammaticalisation suppose la transformation graduelle d'une signification indi­viduelle, donc lexicale, en une signification catégorielle d'ordre gram­matical, alors que la lexicalisation repose sur un processus inverse.

Ainsi pas mal de mots-outils du français moderne sont d'anciens mots autonomes à sens lexical. L'histoire de la langue française nous fournit une quantité d'exemples de ce genre. Il est connu que l'article indéfini un, une provient de l'adjectif numéral latin unum > un : unam > une.

Les particules de négation suivantes étaient tirées de substantifs qui ont reçu le sens négatif du XIIe au XVIe. : pas <passum - « un pas ». rien < rem - « une chose », personne <personam - « une personne ». point < punctum - « un point », goutte < gutta - « une goutte ».

Plus récente est la formation de certaines prépositions qui sont d'an­ciens participes présents ou passés : durant, pendant, concernant, excep­té, vu, hormis (« excepté »).

Le processus contraire peut être illustré par l'exemple classique de sireetseigneurqui remontent à des formes différentes du mot latinse­nior : sireprovenant de sa variante familièreseioretseigneurdesenio-rem. accusatif desenior.

§31. Sur les causes de l'évolution sémantique des vocables. L'évo­lution sémantique des vocables s'effectue sous l'action de facteurs di­vers. Ces facteurs sont d'ordre extra-linguistique et linguistique.

Parmi les facteurs extra-linguistiques il faut nommer avant tout les changements survenus au sein de la société transformations sociales, progrès culturel, scientifique et technique ; ici viendront se ranger les emplois des mots dans une sphère nouvelle de l'activité humaine, em­plois dus à la différenciation de la société en couches sociales, groupes professionnels, etc.

Les transformations sociales, rapides ou lentes, sont des stimulants actifs de l'évolution sémantique des mots. Le tracé des modifications sémantiques d'un grand nombre de vocables présentent autant de repères marquant successivement des étapes historiques distinctes.

Les mots bourgeois et bourgeoisie n'avaient point à l'origine le sens qu'ils ont aujourd'hui. « Le bourgeois, dit M. Schône. fut à l'époque féodale l'habitant du bourg, par opposition, d'une part, au vilain, l'habi­tant de la villa du maître et travailleur de la terre, et d'autre part, à ce maître lui-même, le seigneur » [18. p. 77], Vers l'époque de la Révolu­tion française le mot bourgeoisie désignait une classe sociale progressiste et avait une valeur positive. Ce mot. qui nomme à l'heure actuelle la même classe acquiert parfois une nuance défavorable aux yeux des mas­ses laborieuses.

Le progrès dans l'instruction générale est attesté par le mot librairie qui désignait au Moyen Âge « une bibliothèque » et alors que de nos jours c'est un magasin où Ton vend des livres.

Les découvertes scientifiques, les acquisitions techniques se réper­cutent dans le système sémantique d'un grand nombre de vocables. Fu­sée à côté des sens tels que « fil enroulé surun fuseau ». « pièce d'artifice » et autres a reçu celui d'« engin cosmique » ; antenne du sens de « vergue oblique soutenant une voile » a passé au sens de « dispositif servant à l'émission et à la réception des ondes électromagnétiques » : chaine en partant de l'idée de « continuité » a désigné dans un atelier une sorte de chemin roulant (travail à la chaîne) et aussi l'ensemble des stations ra-diophoniques émettant le môme programme (chaîne nationale).

L'emploi d'un mot dans une sphère nouvelle de l'activité humaine est aussi suivi de la modification de la structure sémantique des mots. Ce phénomène remarqué pour la première fois par M. Bréal a été mentionné depuis dans beaucoup d'ouvrages. En effet, en changeant l'aire de son emploi un mot peut prendre un sens soit plus général, soit plus spécial. Tel est le cas de beaucoup de vocables qui ont passé de la langue commu­ne dans quelque terminologie ou jargon. Le mot virage dont le sens géné­ral est « action de tourner, de changer de direction » a reçu plusieurs sens spécialisés comme terme de photographie, de marine, de médecine. À partir du sens général « forme, méthode » le motmodes'emploie dans des acceptions particulières en grammaire et en musique (mode majeur, mode mineur). Dans le jargon des écoles les motscoller, piocher, sécherprennent des sens particuliers.

Un mouvement contraire est aussi à signaler. Avec l'enseignement obligatoire qui a amené l'initiation d'un public toujours plus large au progrès technique et scientifique un nombre considérable de termes a reçu un emploi commun. Ainsi, cinéma, micro, enregistrer, téléphone, radio, avion, moteur, speaker, gaz, électricité, ordinateur, minitel, logi­ciel, puce, télex, scanner , Internet sont parmi les mots de haute fréquence.

Il peut y avoir aussi passage d'un mot d'une terminologie dans une autre. Beaucoup de ternies d'aviation ont été adopté par la terminologie maritime : escale, baliser, pilote, carlingue, passager, hélice, etc.

Les facteurs linguistiques sont tout aussi importants que les facteurs extralinguistiques, quoique moins étudiés. Des études intéressantes n'ont été amorcées que depuis quelques dizaines d'années et encore ne permet­tent-elles pas de sérieuses généralisations. Ce sont, en particulier, des ouvrages consacrés à l'influence réciproque des mots sémantiquement apparentés, formant des champs conceptuels et des séries synonymiques.

Toutefois de nombreux dépouillements restent à faire qui permettront de juger plus exactement du lexique français en tant que système.

Parmi les facteurs linguistiques il faudrait distinguer ceux qui agis­sent au niveau de la langue-système et ceux qui appartiennent au niveau de la parole. Au niveau de la langue nommons :

1. L'interaction des mots sémantiquement apparentés. Ce phénomè­ne a été mentionné à plusieurs reprises à partir de A Darmesteter. En effet, les vocables sont associés par de multiples liens sémantiques déter­minant leur place, leur fonctionnement et leur évolution ultérieure dans la langue. Les modifications sémantiques que subit un vocable rejaillissent généralement sur d'autres vocables unis au premier par des rapports va­riés. Ainsi on peut observerun mouvement sémantique parallèle dans les mots à sens proche. Dans l'ancien français les verbes songer et penser avaient des sens différents : le sens principal de penser était le même qu'aujourd'hui, alors que songer voulait dire « faire un songe, un rêve » Au XVIe siècle songer avait acquis le sens de penser, en tant que synony­me de ce dernier il s'employait dans les mêmes constructions, sans com­plément :

Par trop songer, cerveau ronger (Leroux de Li nc y); suivi de la préposition à :

... mais à quoi songeait-il, quand il définit l'homme « un anima] à deux pieds, sans plumes» (Montaigne) ;

avec la préposition en qui disparaît également pour l'un et l'autre verbe vers le XVIIe siècle. Par la suite le développement sémantique des verbes songer et penser suit des voies parallèles : les deux verbes reçoivent dans la construction avec la préposition à, suivie d'un infinitif, le sens d'« avoir l'intention, le dessein de faire qch » :

Le temps était très mauvais. Annette ne pensait pas à sortir de l'après-midi (Rolland).

et

.. .pas une seconde je n 'ai songé à vous retirer mon estime. (Tr oyat)

Le verbe songer acquiert, dans la construction avec la conjonction que.un sens synonyme à l'un des sens secondaires du verbepenser, celui de « supposer » : ce sens est rendu par ces deux verbes dans le français contemporain :

J'ai pensé que tu avais peut-être besoin de compagnie. (Sartre)

Pas un moment où ces maîtres excellents ne songeaient que parmi leurs élèves, dût se trouver un écrivain ou un orateur. (Re n an)

La modification du sens d'un mot peut aussi se répercuter sur l'évo­lution sémantique d'un mot à sens opposé. L'adjectif noble étant appli­qué au XVIIe siècle aux oiseaux de proie qui servaient à la chasse, ignoble a désigné désormais tous les autres oiseaux.

2. L'interdépendance des mots faisant partie de la même famille éty­mologique. L'expression perle orientale a commencé à s'employer au sens de « perle brillante ». les perles orientales étant réputées pour leur éclat : il en résulte qu'orient reçoit à son tour le sens d'« éclat » dans l'orient d'une perle. Au XVIIe siècle le verbe songer a signifié « s'aban­donner à la rêverie » sous l'influence des mots de la même famille : songerie - « rêverie, chimère » (déjà au XVe siècle), songe - « rêve. rêverie » (à partir du XVIe siècle), songeur - « celui qui s'abandonne à la rêverie » (depuis le XVIe siècle).

Toutefois la parenté étymologique n'implique pas obligatoirement la conformité sémantique ce qui est dû au caractère asymétrique de l'évo­lution de la langue. Ceci a été démontré par 0. Duchacek dans son étude spéciale consacrée au champ conceptuel de la beauté [ 19. p. 319]. Citons en guise d'exemple charme, charmes et charmant qui recèle l'idée de beauté, alors que charmer, charmeur, charmeresse en sont dépourvus.

3. L'influence des mots à sonorité similaire. Citons l'exemple de saligaudqui a pris le sens de « personne malpropre au physique et au moral » sous l'influence desale, auquel il se rattache aujourd'hui, quoi­que historiquement il provienne du surnomSaligot.

Au niveau de la parole on pourrait signaler l'influence réciproque des mots associés par un rapport de contiguïté. Les mots constamment agencés les uns aux autres dans l'énoncé sont sujets à la contagion sé­mantique. Ce phénomène est souvent accompagné de l'ellipse. C'est ain­si que sont apparus dépêche de dépêche télégraphique, ligne de ligne de pêche, bâtiment de bâtiment de mer : dans faire la tête on sousentend faire la tête boudeuse, dans le vin dépose - le vin dépose un résidu : pour un Parisien le Bois de Boulogne devient le Bois.

Telles sont à grands traits les causes essentielles de l'évolution sé­mantique des vocables.

CHAPITRE II

LA FORMATION DES MOTS

§ 32. La formation des mots et son rôle dans l'enrichissement lexi­cal. La formation des mots est à côté de l'évolution sémantique une source féconde de l'enrichissement du vocabulaire français. La langue française « a perdu, au cours des siècles, un grand nombre de mots ; en compensa­tion, avec une intensité de vie plus ou moins grande selon les périodes, elle a constamment enrichi son vocabulaire ... surtout, par la création de termes nouveaux » [20. p.77]. Tout comme l'évolution sémantique la formation des mots nouveaux sert avant tout à la communication de nos idées et de nos sentiments. Elle est aussi largement utilisée dans des buts expressifs, comme moyen stylistique. Parmi les causes de la formation des mots nou­veaux il faut nommer en premier lieu les changements perpétuels survenus à l'intérieur de la société, les innovations multiples qui exigent une dénomi­nation. L'absence du mot voulu en nécessite la création. Cette dénomina­tion nouvelle, à condition d'être réussie et de répondre aux besoins de la communication, atoutes les chances de s'imposer à la société et de devenir, par conséquent, un mot de la langue.

L'intensité de l'enrichissement du vocabulaire au cours des siècles a connu des hauts et des bas. Il y a eu des périodes pour ainsi dire « mortes » lorsque des accès de purisme freinaient l'évolution du vocabulaire. Le XVIe siècle a sensiblement renouvelé le vocabulaire français. À cette époque Ronsard disait : « Plus nous aurons de mots dans notre langue, plus elle sera parfaite ». Un siècle plus tard Vaugelas déclarait : « II n'est permis à qui que ce soit de faire des mots, non même au souverain ».

De nos jours la « créativité » est devenue particulièrement intense Cela s'explique, d'une part, par la révolution scientifique et technique, d'autre part, par l'accès des larges masses à l'enseignement, aux mass média. Les linguistes français signalent qu'aujourd'hui chacun se croit autorisé à « néologiser » ce qui amène dans des cas d'abus à une juste réaction négative de leur part.

Dans les ouvrages de linguistique française on fait généralement en­trer dans la formation des mots divers procédés dont la dérivation affixa-le. la dérivation impropre, la dérivation régressive, la télescopie. la composition, l'abréviation et l'onomatopée. Il est à remarquer que cer­tains de ces termes n'ont pas toujours le même sens pour les linguistes différents. Même les définitions des termes les plus usités, tels que « la dérivation » et « la composition » varient selon les ouvrages traitant de la formation des mots.

Notons encore que l'interprétation de certains procédés de formation reconnus par la majorité des linguistes est parfois contestable1.

Sur quelle base repose la créativité lexicale ? Certains linguistes français préconisent la création spontanée et arbitraire des mots. Ainsi J. Damourette et E. Pichon affirmaient que « chaque Français sent en soi le pouvoir de donner du sens à des syllabes spontanément venues se présenter à lui sans qu'il les ait auparavant jamais entendu employer par un autre...» [21, p. 150-151]. Ils citent les mots trictrac- «jeu de dés ». gnaf- « cordonnier ». bibi - « petit chapeau de forme bizarre » et quelques autres appanis dans le langage populaire où la création sponta­née serait particulièrement répandue.

A. Sauvageot croit également possible de construire de toutes pièces des radicaux nouveaux au moyen de combinaisons de phonèmes exis­tants, assemblés selon les règles de la prononciation française. En guise d'exemple il propose nog-, ned-, nib-, nis-

Pourtant la plupart des linguistes estiment qu'il n'y a guère de voca­bles sans étymologie. En effet, la langue nous fournit très peu d'exem­ples de mots créés à l'aide d'éléments préalablement inexistants. Longtemps les linguistes considéraient le mot gaz comme étant artificiel­lement fabriqué. Pourtant plus tard on a appris que le créateur de ce mot. le médecin flamand van Helmont (1577-1644). avait utilisé le mot latin « chaos » (du grec « khaôs »). La fabrication purement arbitraire de mots nouveaux va à l'encontre de la fonction essentielle de la langue en tant que moyen de communication. Seulement à condition d'avoir recours aux éléments et aux modèles de formation existant déjà dans la langue on peut créer des mots véritablement viables et accessibles aux locuteurs Tout mot nouvellement créé doit être compris, c'est pourquoi il tend à définir dans une certaine mesure l'objet ou le phénomène qu'il désigne . il est nécessairement motivé à l'origine (cf. : les néologismes un lunaute, l'hyperréalisme, la grammaticalilé, un lève-tard, un lave-vaisselle, un sans-emploi, sous-payer. théâtraliser /un roman/).

Les modèles de formation agissent généralement au cours de longs siècles, toutefois leur stabilité n'est que relative : certains disparaissent substitués par d'autres, nouvellement parus. Ces changements dans le système de formation se font très lentement en comparaison du renouvel­lement du vocabulaire. Ainsi nous constatons, d'une part, la disparition du suffixe -âge qui servait à former des adjectifs dans le vieux français (chant ramage), d'autre part, nous assistons à l'apparition du suffixe des adjectifs -ique qui s'est dégagé vers le XVIe siècle des emprunts faits au latin (du type de empirique, domestique, honorifique, excentrique, héral­dique). Le XIXe siècle a vu naître l'élément formateur -bus (trollevbus, bibliobus) [23. p. 48].

Au XXe siècle on signale l'apparition de plusieurs suffixes. De l'an­glais, dont l'influence devient prépondérante, on emprunte -ing, -er. Les linguistes constatent que le français a développé d'une manière originale la signification du suffixe -ing : les mots en -ing ne désignent plus seulement l'action (caravaning, forcing - en sport « attaque soutenue contre un adver­saire qui se tient sur la défensive » : faire le forcing), mais aussi le lieu où s'accomplit l'action (dancing, parking, pressing ; « on va au pressing com­me à la boulangerie », dit J. Dubois). Quant au suffixe -er, il se dégage nettement dans reporter (-> reportage). Par suite des progrès de la physi­que atomique de électron - « particule élémentaire chargée d'électricité négative ou positive » (formé de électro et ion) on a tiré deux suffixes nouveaux -on et -tron. Le premier a donné négaton (de négatif) - « élec­tron négatif » et positon (de positif) - « particule élémentaire à charge positive ». nucléon - « particule constitutive du noyau atomique » et aussi baryon. hypéron ; du second on a fonné cyclotron (de cyclo et électron) -« accélérateur de particules lourdes », synchrotron (de synchro et tron). magnétron (de magnéto et tron) : on voit aussi apparaître le synchrophasotron, invention soviétique plus efficace que le précédent synchrocyclotron.

Notons encore -rama extrait de panorama, très'en vogue dans la publicité où il sert à la création de termes dont l'allure baroque est faite pour attirer l'attention ; son sens assez flottant pourrait être défini comme « spectaculaire, hors ligne, grandiose, frappant par la diversité » ; il a donné des créations, dont la vie a été de courte durée, telles que beautérama, stylorama - « festival d'élégance et de beauté ». décorama - « nou­velle gamme de coloris et tissu ». bijourama - « étalage d'une diversité de pierres précieuses ». stick 'rama - « crayon à paupières » Certains dérivés avec -rama comme cinérama, discorama, castorama semblent être d'un usage plus courant. « On assiste depuis quelques années à une véritable invasion du suffixe -rama », dit R. le Bidois. qu'il qualifie de « suffixoramanie » [24. p. 50].

Le renouvellement du système suffixal peut porter sur un affixe an­cien qui subit une modification formelle ou sémantique. De ce fait résulte l'apparition de variantes sémantico-formelles ou sémantiques des affixes existants Ainsi le français connaît depuis longtemps le suffixe -ique qui forme des substantifs désignant une branche scientifique. (Il est connu que le terme sémantique a été créé par M Bréal en 1883 sur le modèle de phonétique déjà existant).

Récemment apparaissent des variantes de ce suffixe sous forme de -tique et -matique. dont les dérivés servent à dénommer de nouvelles technologies. Il est très probable qu'elles se soient dégagées du terme informatique par l'ablation de deux segments finals différents. 11 s'ensuit que durant les dernières décennies on assiste à l'apparition d'un nombre considérable de dérivés avec ces variantes. Tels sont entre autres : créatique - « techniques de stimulation de la créativité ». bureautique - « en­semble des techniques et des procédés propres à automatiser les activités du bureau ». robotique - « ensemble des études et des techniques de conception et de mise en œuvre des robots ». acousmatique - « musique composée et interprétée par ordinateur ». domotique - « électronique do­mestique ou application généralisée de l'électronique à l'habitat », télé­matique - « ensemble des services ou des techniques permettant aux usagers d'un réseau de télécommunications d'obtenir des informations sur leur demande ».

Ajoutons encore bébématique. création quelque peu baroque, dési­gnant la science qui concerne les bébés obtenus par fécondation artificielle

Le foisonnement des dérivés avec ces variantes de -ique a donné naissance au mot (les) tiques - nom global donné plaisamment à l'en­semble des sciences et des techniques nouvelles.

Pareillement à la variante -tique le suffixe -ite qui forme depuis long­temps des ternies médicaux désignant des maladies de nature inflamatoi-re a acquis au cours des dernières décennies un nouveau contenu sémantique II a pris une valeur métaphorique - « manie, habitude mala­dive ». Dans ce sens -ite a créé toute une série de dérivés à valeur péjora­tive parmi lesquels un certain nombre de mots d'ordre linguistique. De ces derniers signalons : adjectivile créé par Le Bidois qui lui donne la caractéristique suivante :«...l 'adjectivite consiste principalement à rem­placer par un adjectif un nom qui fait fonction de complément détermina-tif... ». Ont été aussi formés néologite - « manie de créer des néologismes », jargonnite - « une des maladies les plus répandues de la langue contem­poraine » ; et de même substantivite, futurite. coriditionnite.

Outre les formations, reflétant des phénomènes linguistiques, on en . compte un grand nombre qui désignent des penchants différents Tels sont réunionite, réformite, opiniomle, espionnite, sondagite, pétitionni-te, stagite, diplômite (« pour être jardinier il faut être diplômé »). collectionnite.

Au XXe siècle apparaît, sous l'influence de l'anglais, un nouveau modèle de formation de mots composés : nord-africain, sud-américain qui sont les équivalents des groupements de mots « de l'Afrique du nord ». « de l'Amérique du sud »

Les modifications portent parfois sur tout un procédé de formation qui peut subitement acquérir une vigueurdontil était dépourvu jusque-là. Tel a été le cas de l'abréviation qui devient un moyen productif à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle ; ce procédé, issu du langage populai­re, a pénétré au cours du XXe siècle dans la langue littéraire.

Les dernières décennies on vu l'explosion du télescopage - forma­tion de vocables par la jonction de tronçons de mots contigus.

Les procédés de formation des mots énumérés au début de ce para­graphe pourraient être répartis en quelques types : procédés morphologi­ques, phonético-morphologiques et phonétiques. Les premiers englobent les dérivations affixalc (suffixation et préfixation), parasynthétiquc. ré­gressive, impropre, la composition . les seconds - le télescopage, l'abré­viation ; le dernier - l'onomatopée . ajoutons encore le redoublement et la déformation des mots.

§ 33. La dérivation par suffixes. Généralités. La dérivation suf-fîxale est un procédé de formation bien vivant et particulièrement pro­ductif dans le français contemporain [23. p. 199-203]. ce qui est démontré avec évidence par J. Dubois dans son ouvrage « Étude sur la dérivation suffixale en français moderne et contemporain » (P . 1962).

Le degré de vitalité et de productivité des suffixes existants, n'étant pas toujours le même au cours du temps, nous sommes en présence de deux tendances contraires : certains suffixes ont à peu près bu tout à fait cessé d'être productifs : d'autres sont en pleine vigueur et productivité. Pourtant les suffixes moins productifs ne sont pas sans importance, eux non plus, dans le français d'aujourd'hui. C'est que ces suffixes, qui étaient jadis bien productifs, ont enrichi le vocabulaire d'un grand nombre de mots qui ont reçu un large emploi : certains de ces mots font partie du fonds usuel du vocabulaire. Entre autres, on peut signaler les dérivés avec les suffixes peu productifs aujourd'hui néanmoins fort répandus. Parmi ces suffixes nom­mons -eur (grandeur),

-esse (tendresse), -ise (franchise), etc.

Les parties du discours sont à un point différent sujettes à la suffixa­tion. Ce sont surtout les nominaux (substantifs, adjectifs, adverbes) qui sont caractérisés par la suffixation. Les verbes formés à l'aide de suffixes sont relativement moins nombreux.

§ 34. Les suffixes servant à former des substantifs abstraits. Les suffixes des substantifs sont fort nombreux. D'après leur fonction séman­tique ils se laissent répartir en plusieurs groupes plus ou moins considéra­bles. Surtout nombreux sont les suffixes formant des substantifs à sens abstrait, tels que l'action, la qualité, etc.

Examinons à part ces groupes divers de suffixes.

Ce sont tout d'abord les suffixes des substantifs exprimant l'action envisagée en dehors de son rapport avec l'agent de l'action de même que d'autres sens proches ou dérivés.

Parmi les suffixes formant des substantifs désignant l'action les plus productifs sont -ation, -(e)ment, -âge. Une des premières places revient au suffixe -ation avec ses variantes -isation,

-ition, -tion, -ion prove­nant du latin -ationem, -itionem, -tionem, -ionem ; signalons aussi la va­riante -isation qui apparaît dans printanisation, vernalisation. Ce suffixe et surtout ses variantes

-ation, -isation est très répandu et productif dans le français contemporain. Le nombre de ses dérivés augmente constam­ment et enrichit avant tout le lexique à valeur sociale et politique. On peut signaler les dérivés récents tels que : alphabétisation, africanisation, climatisation, clochardisation, culturalisation, cybernétisation, dynamisution, marginalisation, médicalisation, périodisation, profession-nalisation, structuration, conceptualisation.

Etymologiquement les substantifs avec ce suffixe sont des emprunts au latin ou des dérivés de verbes ; en français moderne ils se trouvent pour la plupart en corrélation avec des verbes ; exploitation < <— exploi­ter ; amélioration < <- améliorer ; distribution < <- distribuer ; progres­sion<<— progresser. Plus rarement ils sont en corrélation avec d'autres parties du discours, tels certains dérivés avec la variante-isation:cons­cientisation <- conscient, planétisation <— planète, tiers-mondisation <-tiers monde, piétonisation <—piéton(ne).

Outre l'action les dérivés avec ce suffixe peuvent exprimer l'instru­ment de l'action '.procuration - « qui sert à procurer qch » ; l'objet ou le résultat de l'action -.fondation - « ce qui est fondé » ; le lieu où l'action s'effectue : habitation - « lieu que l'on habite »'.

Les dérivés avec ce suffixe peuvent exprimer un processus : germi­nation, évaporation, cicatrisation, habilitation. Il peuvent rendre aussi un état : hésitation, exaltation, humiliation.

Le suffixe -(e)ment, du latin -amentum, fort productif durant des siè­cles semble perdre son ancienne vitalité. Au cours du temps il a donné un grand nombre de dérivés, dont beaucoup appartiennent aux terminologies technique, industrielle et agricole ; tels sont, par exemple : déraillement, fusionnement, effritement, assolement. Parmi les formations récentes ci­tons : chamboulement, contingentement, plafonnement, positionnement.

Les substantifs avec ce suffixe sont presque exclusivement des déri­vés de verbes, avec lesquels ils se trouvent en corrélation : raisonnement < <— raisonner, applaudissement < <— applaudir.

Remarquons que le suffixe -(e)ment forme un groupe de dérivés qui désignent des cris d'animaux, des bruits différents ; par exemple : aboie­ment, bêlement, beuglement, gloussement, coassement, croassement, ga­zouillement, hennissement, hurlement, rugissement, claquement, craquement, grincement, sifflement, tintement, etc.

Outre l'action les dérivés avec -(e)ment peuvent exprimer le résultat de l'action : bâtiment, l'instrument (ou parfois l'objet) de l'action : orne­ment, accoutrement, enjolivement, le lieu où s'effectue l'action : loge­ment.

Les dérivés avec le suffixe -(e)ment peuvent encore exprimer un processus : bourgeonnement, caillement, épanouissement ; un état : épou-vantement, attendrissement, mécontentement, découragement.

Le suffixe -âge du latin -aticum est un autre suffixe particulièrement productif. Son pouvoir créateur s'est sensiblement accru en français mo­derne ce qui s'explique par son rôle particulier en tant que formateur de termes techniques et industriels : zingage - «цинкование», taraudage -«нарезывание винтовой насечки», bétonnage - «бетонирование», badigeonnage - «крашение клеевой краской», rentrayage -«художественная штопка» etc. Contrairement aux suffixes -ation et -(e)ment, dont une grande partie des dérivés est d'un emploi commun, le suffixe -âge forme, en règle générale, des dérivés d'un emploi restreint.

La majorité des substantifs avec -âge sont dérivés de verbes avec lesquels ils sont en corrélation : arrosage < <- arroser, labourage < <-labourer, blanchissage < <— blanchir, grenouillage < <— grenouiller1.

Parmi les dérivés avec le suffixe -âge qui expriment l'action on peut isoler un groupe désignant « la manière de parler », « le discours ayant une caractéristique supplémentaire » : bredouillage, bavardage, chuchota-ge, baragouinage, etc.

Les dérivés avec le suffixe -âge ont tendance à exprimer des actions plus particulières, plus restreintes que les verbes correspondants. Il en est ainsi pour le substantif pressurage. Il est dérivé du verbe pressurer, qui peut prendre un sens propre ou figuré (pressurer les contribuables) alors que pressurage veut dire uniquement « presser une substance ou moyen d'une presse » ; copiner signifie « avoir des relations amicales avec qn » et copinage est un synonyme de « favoritisme » ; le verbe arriver a des significations et des emplois variés, alors que le sens de son dérivé arri­vage est très restreint - « arrivée des marchandises par mer ou une autre voie ».

1 Dans ces cas le rôle du suffixe se borne à donner au dérivé la forme d'un substantif. On peut signaler quelques cas peu nombreux où les substantifs avec ce suffixe ont été historiquement dérivés de substantifs : pourtant avec l'apparition ultérieure des verbes correspondants, ces formations ont été envisagées comme les dérivés de ces derniers, par exemple : arpentage (1293) ( <arpent) <- arpenter ( \884),parrainage ( 1836) (<parrain) <— parrainer ( 1935), baragouinage ( 1546) (< baragouin) <- baragouiner ( 1580).

Rien que pour des créations isolées les verbes correspondants n'ont pas été formés, par exemple : gardiennage < gardien, charronage < charron, commérage < commère Nous sommes alors en présence de cas où le suffixe -âge communique lui-même au dérivé l'idée de l'action.

Donc, tout comme pour -ation et -(e)ment la fonction essentielle de -âge consiste à communiquer au dérivé la forme d'un substantif.

II est à remarquer qu'à l'aide du suffixe -âge on forme des substan­tifs qui signifient presque exclusivement l'action. Ce suffixe ne manifes­te guère la faculté de former des substantifs exprimant un processus. Les dérivés désignant un état sont rares : chômage.

Signalons pourtant cocuage. esclavage, servage, veuvage qui sont dans le français d'aujourd'hui dos dérivés avec un suffixe -âge homony­me, car ils représentent un autre modèle de formation. (Ce suffixe -âge s'ajoute régulièrement à des substantifs ou des adjectifs et communique lui-même le sens d'un état.)

Outre ces suffixes qui sont parmi les plus productifs il y en a d'autres dont la productivité s'est considérablement affaiblie. Certains de ces suf­fixes ont toutefois laissé un grand nombre de formations, exprimant l'ac­tion ou des sens proches et dérivés, qui sont fort répandues dans la langue d'aujourd'hui. Tels sont les suffixes :

-erie, (formé par la contraction de -ier et -ie). dont les dérivés expri­ment des actions de caractère défavorable : agacerie, criaillerie. vant-rie, tuerie, tromperie, etc. ;

-erie - homonyme du précédent, les dérivés duquel désignent un métier, une industrie, un genre de commerce, et aussi le lieu où l'on fabri­que, où l'on vend un produit quelconque : chaudronnerie, chapellerie, ganterie, boulangerie, laiterie, (usine où l'on traite le lait), fromagerie, crémerie, etc. :

-ance (-ence), dont les dérivés expriment des actions différentes :surveillance, obéissance,délivrance, vengeance, préférence, référence, ou l'état: souffrance, repentance, somnolence:

-éequi a donné un groupe de dérivés exprimant des actions accom­plies dans l'espace :tombée, montée, traversée, rentrée, arrivée, tour­née; et un autre groupe de dérivés exprimant des actions réitérées :brossée, frottée- «град ударов»,rossée, tripotée;

-ade formant un groupe de dérivés exprimant des mouvements ou des actions accomplies dans l'espace : débandade, reculade, galopade, glissade, roulade, promenade, ruade.

Un autre groupe de dérivés avec ce suffixe exprime des actions re­présentant « une façon de tirer, de faire feu » : mousquetade, canonnade, fusillade, arquebusade et dont un troisième groupe de dérivés exprime des actions avec une nuance de sens péjorative : turlupinade, fanfaronna­de, bravade, bourrade.

Les dérivés avec le suffixe -isexpriment souvent des actions aryth­miques, en quelque sorte désordonnées et irrégulières :arrachis-«вырывание молодых деревьев» : et en particulier des bruits et des sons irréguliers. désordonnés: cliquetis- «бряцание».clapotis- «плеск»,gargouillis- «журчание воды» ; ce suffixe manifeste la facul­té de communiquer des sens dérivés de l'idée de l'action, et dans ces cas, tout comme dans les précédents, l'action exprimée par la base normative est une action arythmique, irrégutière :gribouillis- «неразборчивый почерк»,fouillis - «беспорядок»,hachis- «мешанина»,taillis-«путаница».

-aison (-ison) forme des dérivés tels que fauchaison, fenaison, fleuraison, guérison qui expriment des actions ou des processus envisagés dans leur durée.

Les dérivés avec le suffixe -ure et ses variantes -ture, -ature, -iture expriment parfois l'action -.forfaiture, imposture et principalement le ré­sultat de l'action rendue par le mot de base : échancrure, déchirure, écor-chure, piqûre, meurtrissure ; ces derniers désignent pour la plupart quelque lésion ou perturbation produite dans la texture d'un objet.

Nommons encore les dérivés avec les suffixes -ie : saisie, sortie, éclaircie, acrobatie ;

-isme '.journalisme, alpinisme, protectionistne, cul­turisme, suivisme (ces dérivés expriment non pas l'action, mais plutôt une activité ou une occupation quelconque) ; -at : attentat, assassinat, crachat.

Des exemples cités il ressort que la majorité des substantifs suffixaux exprimant l'action sont en corrélation avec des verbes : agacerie <— aga­cer ; surveillance <— surveiller ; montée <- monter ; brossée <— brosser ; reculade <- reculer ; clapotis <— clapoter ; fessée < fesse, mais : <-fesser.

Signalons à part les dérivés avec -eriedésignant un métier, une in­dustrie, etc., qui sont en corrélation avec des substantifs :chaudronnerie <— chaudron, ganterie <— gant.

Comme nous l'avons vu, les suffixes synonymes à l'aide desquels on forme des substantifs exprimant l'action diffèrent par leur productivi­té, la sphère de l'emploi et les nuances de sens de leurs dérivés.

Un autre groupe est formé par les suffixes dont les dérivés expriment la qualité.

Le suffixe le plus répandu et productif de ce groupe est -ité, -(e)té, du latin -itas, -itatem. La variante de formation savante -ité est plus pro­ductive que la variante de formation populaire

-(e)té. Ce suffixe a donné un grand nombre de dérivés qui enrichissent surtout la terminologie scientifïque. Ce sont des termes philosophiques : objectivité, subjectivité, re­lativité ; des termes de médecine : capillarité, matité, verrucosité ; des termes de physique : conductibilité, polarisabilité, résistivité, sélectivité et autres.

Ëtymologiquement les substantifs avec ce surfixe sont tantôt des dé­rivés d'adjectifs, tantôt des emprunts au latin : pourtant dans le français contemporain la plupart des emprunts ne sont plus reconnus comme tels car ils se trouvent en corrélation avec les adjectifs correspondants. Ainsi, par exemple, rigidité, rugosité ont été empruntés au latin, mais sont aujourd'hui en corrélation avec les adjectifs rigide, rugueux,

Les dérivés avec -ité, -(e)té expriment des qualités (morales et phy­siques), des propriétés différentes : affabilité, intrépidité, agilité, suavité, frilosité, littérarité, francité, clarté, fierté, etc. Certains dérivés avec ce suffixe désignent des objets, des phénomènes, des actions caractérisés par la qualité rendue par la base formati ve : cavité - «впадина, полость» : mucosité - «слизь», joyeusete - «веселая выходка». D'autres dérivés avec le même suffixe expriment l'état : captivité, invalidité, liberté, oisi­veté. D'autres encore des relations diverses '.fraternité, rivalité, récipro­cité.

Le suffixe -ce est assez productif dans le français moderne. Ses déri­vés expriment surtout des qualités morales et physiques, des propriétés : impertinence, puissance, transparence, aberrance, déficience, brillance, délinquance, pertinence, insouciance.

Un autre suffixe productif de ce groupe est -isme dont les dérivés expriment aussi différentes qualités et propriétés, de même que des états, des relations : patriotisme, héroïsme, higotisme, primitivisme, dilettan­tisme, académisme, ilotisme, parasitisme, analphabétisme, antagonisme

Parmi les suffixes moins productifs de ce même groupe mention­nons :

-erie dont les dérivés expriment principalement des défauts moraux : poltronnerie, niaiserie, effronterie, lâcherie, mesquinerie, canaillerie, dinguerie ;

-esse, dont les dérivés expriment surtout des qualités (physiques et morales) -.gentillesse, sveltesse, robustesse, faiblesse, sagesse, hardiesse :

-eur, dont la plupart des dérivés expriment des propriétés physiques : rougeur, blancheur, minceur, longueur, hideur, splendeur, froideur ;

-itude (-ude, -tude). dont les dérivés rendent le plus souvent des qualités physiques, des propriétés promptitude, exactitude, platitude. etc. : certains dérivés avec ce suffixe expriment l'état : solitude, quiétude, inquiétude, béatitude:, plénitude, lassitude ; l'attitude envers qn ou qch : gratitude, certitude :

-ise, dont les dérivés expriment surtout des défauts moraux (ou in­tellectuels) : sottise, fainéantise, gourmandise, vantardise ;

-ation (et ses variantes), -ition, -tion, -ion, dont les dérivés dénom­ment différentes qualités (ou défauts) : approximation, abomination, dis­crétion, dévotion, précision, concision ;

-ie, dont les dérivés expriment surtout des qualités morales : modes­tie, courtoisie, bonhomie, perfidie, infamie, etc. ; l'état et l'attitude en­vers qn ou qch '.folie, mélancolie, jalousie ;

-ure, dont les dérivés rendent des qualités différentes : droiture, dé­sinvolture.

A quelques exceptions près les dérivés exprimant la qualité sont en corrélation avec des adjectifs.

Parmi les suffixes abstraits une place à part revient au suffixe très productif -isme, dont les dérivés étant en corrélation avec des substantifs expriment des conceptions, des doctrines, ou des écoles différentes : so­cialisme, marxisme, conformisme, dirigisme, extrémisme, intervention­nisme, romantisme, réalisme, existentialisme, impressionnisme, symbolisme, fauvisme, obstructionnisme, dadaïsme, intimisme, tachisme et beaucoup d'autres.

Ce suffixe devient surtout productif à partir du XIXe siècle, où il donne naissance à une quantité de substantifs désignant toutes sorte de systèmes philosophiques et politiques, ce qui reflète la lutte des théories, écoles et partis multiples.

Parmi les suffixes abstraits nommons encore :

- ceux à l'aide desquels on forme des substantifs exprimant une fonc­tion, une dignité et parfois aussi un régime gouvernemental, la manière de gouverner : -at - cardinalat, notariat, rectorat, marquisat ; -ie - tyran­nie, monarchie, seigneurie ; -ce - agence, présidence, lieutenance ; -ure - préfecture, magistrature ;

- les suffixes à l'aide desquels on forme des substantifs désignant une branche de la science, de l'art : -ique - informatique, thérapeutique, sémantique, linguistique ; -ie -pédagogie, philosophie, stratégie, anatomie, chirurgie ; -logie, qui peut être traité de suffixe en français contem­porain est parmi les plus productifs de ce groupe - filmologie. vulcanologie, radiologie, alergologie, cancérologie, caractérologie, phytoécologie (étude du milieu) ;

- les suffixes qui servent à former des substantifs désignant une ma­ladie. un malaise, un défaut physique : -ie- pleurésie, phtisie, paralysie. anémie, asphyxie, diphtérie : -isme - alcoolisme, somnambulisme, albi­nisme, daltonisme, rhumatisme : -ite - bronchite, appendicite, laryngite, méningite : rappelons que -ite a acquis récemment un nouveau contenu sémantique : il s'est enrichi d'une valeur métaphorique « manie, habitude maladive » : dans ce sens -ite a donné une série de dérivés à connotation péjorative ou ironique, dont espionnite, réuniomte. sondagite.

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