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§ 38. La voyelle [a] est une voyelle orale, antérieure, ouverte, non labiale (fig. 11).

tion de la langue :

[i] M

• • • [e] . -. [a]

Les deux résonateurs qui entrent en jeu — la bouche et le pharynx, sont d'un volume presque égal. « Les deux formants de [a ] sont aussi assez proches (celui de la bouche environ 1300 p/s, celui du pharynx environ 720 p/s) ».1 (Voir § 55). C'est un des phonèmes le plus caractéristique du vocalisme fran­çais en raison de son caractère très avancé. Il lui arrive même d'as­similer les consonnes postlinguales en les palatalisant — les phonèmes [k — g] devant [a] sont très avan- Fig. 13. Voyelles antérieu-cés : ['ka:K, 'ga:Hl. Son emploi ne res non labiales — posi-comportant aucune restriction est très fréquent.

D'après le degré d'aperture, sa variante la plus typique se

manifeste dans la syllabe accentuée ouverte après les con­sonnes prélinguales, par exemple, dans le mot dada. On trouve la variante légèrement retirée en position inaccentuée après les consonnes postlinguales : carré, garer.

c. Voyelles antérieures labiales

§ 39. Les voyelles labiales ou arrondies de la série anté­rieure sont au nombre de trois, dont deux sont fermées [y, 0] et une seule — ouverte [æ]. On les appelle également com­posées en raison de la réunion, d'ailleurs fort rare, des mouve­ments de la langue pour les [i, e, e] et de ceux des lèvres

1 B. Malmberg. La phonétique. PUF, ch. IV.

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comme pour [u, î, î] pour articuler respectivement [y, 0, æ]. Il convient de signaler toutefois que les voyelles arrondies sont plus ouvertes que les voyelles non arrondies correspon­dantes. Néanmoins, elles s'opposent nettement aux voyelles postérieures, constituant d'après la position de la langue et le fonctionnement des résonateurs une des séries des voyel­les antérieures. Voilа pourquoi, dans le schéma des phonèmes, les voyelles labiales antérieures doivent être placées directe­ment а côté des voyelles antérieures et ne pas occuper une place intermédiaire sur le niveau horizontal « antérieures — postérieures ». A force d'être arrondies elles ne sont pas de­venues « plus postérieures » :

i e

a

u î э

У 0 æ

Les lèvres arrondies et projetées en avant forment une caisse de résonance de plus entre les dents et les lèvres, qui ajoute un timbre spécifique au ton fondamental de la voyelle. Selon G. Straka, « la labialisation des voyelles palatales ar­rondies, tout en étant très forte, est pourtant légèrement moins prononcée que celle des voyelles vélaires » 2.

La projection des lèvres en avant diminue évidemment l'ouverture buccale qui est minime pour le [y], ce qui con­tribue а baisser le ton propre de la cavité buccale. Pour le ' [y] il est de 1850 Hz., tandis que pour le [i] il est de 2500 Hz.

La série des labiales antérieures n'est pas des plus fré­quentes dans les langues du monde, parce que la labialisation accompagne généralement l'articulation postérieure. L'op­position phonologique « labiales antérieures — labiales pos­térieures » présente un fait particulier du vocalisme français par rapport non seulement au vocalisme russe mais aussi а celui des autres langues romanes.

D'oщ vient cette distinction unique dans les langues romanes, et qu'on trouve seulement dans quelques langues germaniques (l'alle­mand, le hollandais, les langues Scandinaves), et de façon plus limitée dans les langues turques ?

1 Les voyelles postérieures [u, î, î] sont avancées en français, cequi explique leur position en avant par rapport au phonème [a] postérieurretiré en arrière.

2 G. Straka. Système des voyelles du français moderne. « BFLde Strasbourg», v. 28, n° 4, 1950, p. 6, note 1.

64

L'origine des voyelles antérieures labiales en français présente jus­qu'а nos jours pas mal de points obscurs. Néanmoins plusieurs linguis­tes, entre autres E. Bourciez, estiment que cette particularité du voca­lisme français est due а l'influence des parlers celtiques que le latin a supplantés sur le territoire de la Gaule. Cette thèse est fort contestée et а juste titre. C'est qu'on n'est pas sûr des systèmes vocaliques ayant existé dans les langues celtiques qui avaient disparu de bonne heure sur le territoire de l'Europe. A supposer même que l'articulation labiale du celtique (si toutefois cette articulation il y avait) ait influencé l'arti­culation du latin vulgaire, on est amené а se poser d'autres questions sur le même problème et notamment : pourquoi alors les langues italien­ne et espagnole dont les formes romanes avaient dû avoir subi la même influence ne possèdent-elles pas de voyelles antérieures arrondies ? Comment donc cette influence aussi ancienne (puisque le celtique, sur le territoire de la Gaule, a disparu vers le IVe siècle de notre ère) pouvait se manifester aux XVe — XVIe siècles а l'époque oщ se formait le pho­nème [æ], d'autant plus que les modifications articulatoires n'aboutis­sent pas forcément а la création de nouvelles marques phonologiques.

Il convient donc de distinguer l'aspect phonétique et l'aspect pho­nologique du problème.

Il se peut que l'articulation du celtique ait influé sur le latin, l'ai­dant а affermir l'articulation qu'il possédait déjа ou, plus rarement, а implanter une nouvelle articulation. Ceci aurait été vrai pour le [y] si le nouveau son ou phonème s'était formé sur la base d'un son non la­bial, tel le [i]. Or, le son [y] n'est autre chose que l'évolution du pho­nème latin [u]. Il s'agit donc d'une toute autre origine du premier pho­nème antérieur labial du français [y], et notamment du fait que le la­tin parlé, dès le Ier siècle avant notre ère, avait une tendance marquée а l'articulation antérieure. Nous en avons la preuve non seulement dans le passage du son labial postérieur [u] au son labial antérieur [y], ce qui a appauvri la série des voyelles postérieures en ancien français, le son [u] n'y ayant apparu qu'aux XIIe— XIIIe siècles. Comme l'évo­lution des consonnes postlinguales [k] et [g] passées aux affriquées devant un [a] peut s'opérer seulement devant une voyelle antérieure par le phénomène de l'accommodation, il faut postuler l'articulation fort avancée du son [a] pour le latin vulgaire: (kar>kar>tjar>ja:r], [gamba>gamba<dzmbe>/3:b], [garden> garden>d3ardïn>3ar-'dè], etc.

La tendance а l'articulation antérieure a commencé par implanter une nouvelle combinaison phonétique (position antérieure de la langue-f-+ arrondissement des lèvres). Cette dernière, une fois devenue l'élément d'une opposition phonologique [i — y], a commencé а se répandre au début en tant que marque phonétique d'une autre voyelle antérieure pour aboutir plus tard а un nouveau phonème [æ]. La marque phonéti­que devenue phonologique a affermi les oppositions fonctionnelles du français qui en avaient grandement besoin vu l'appauvrissement du système vocalique après le XIIIe siècle en raison de la soudure de nom­breuses diphtongues et triphtongues de l'ancien français. Ainsi, pour assurer sa fonction de moyen de communication, la langue française, а l'époque de la Renaissance, avait recours non seulement au fonds la­tin et grec du vocabulaire dont elle tirait des mots dits d'origine savante, mais aussi aux ressources que lui procurait l'évolution du phonétisme français. L'apparition du [æ] est due, au point de vue phonétique, а la labialisation du [г] sous l'influence du [y] qui le suivait [eu>æ] а l'époque de la soudure des diphtongues en français. La labialisation

5 Шèгаресêая H. A. 55

du e en syllabe ouverte, tel le e dans le mot demain n'est survenu que plus tard.

§ 40. La voyelle [y] est une voyelle orale, antérieure, fermée, labiale. Son emploi ne comporte aucune restriction, on la trouve en syllabe accentuée et non accentuée, ouverte et fermée. On l'appelle souvent [i ] labial (fig. 14).

Les oppositions phonologiques dont, ( [ le phonème [y] fait partie sont fort

• I \ \ nombreuses et variées, surtout celles du . vl^x / niveau horizontal.

Yï-

^ " L'opposition [i —y] est très utilisée

dans les formes verbales : fit fut, lit lut, dit dut.

L'opposition [y — u] : but bout, rue roue, mû mou.

Le phonème [y] coïncide aussi avec

-e- - ..

des lèvres :

- - - [y]

Fig. 14. Position un morphème, tel, par exemple, la dési-J nence du passé simple de certains verbes archaïques — fut, lut, dut, et même avec un mot entier, tel le participe passé du verbe avoir — eu.

C'est une voyelle des plus fréquentes du français sans compter la série antérieure non labiale.

Parmi les variantes du [y] d'après le degré d'aperture, on distingue les variantes les plus fermées dans la syllabe accentuée devant un [z ] — muse, et les variantes ouvertes dans la syllabe ouverte non accentuée devant ou derrière un [h] — fureur, rumeur (voir le tableau des variantes, § 48). Les variantes intermédiaires sont les suivantes : devant une consonne allongeante autre que [ê] et [z] — luge, tuve ; en syllabe accentuée ouverte — fût ; en syllabe accen­tuée fermée devant un []— dure ; en syllabe accentuée fermée brève — nuque ; en syllabe ouverte non accentuée — assumer.

§ 41. La voyelle [0] est une voyelle orale, antérieure, mi-fermée, labiale. Par rapport au phonème [æ], c'est une labiale fermée. Elle comporte en plus une caractéristique quantitative qui n'apparaît toutefois qu'en position accen­tuée dans une syllabe fermée: feutre ['f0:tr], neutre ['n0:trl, heureuse [æ'K0:z], mais — heureux [се'0].

Tout comme les autres voyelles antérieures labiales, elle fait partie de plusieurs oppositions phonologiques dont les 66

plus considérables du niveau horizontal sont celles de te — 0 ] et [0 — î ] : deux, deux — dos ; fée feu, feu faux ; nez næud, næud nos, etc. Autres types d'opposi­tions fréquentes — [0 — i ], [0 — y ], [0 — u ] et plutôt rares [0 — s ], [0 — э ] : gueux gui, peu pis ; feu fût, jeu jus ; queue cou, gueux goût ; gueux guet, jeu geai ; meute motte, meule mole.

Le rendement phonologique de la corrélation du niveau vertical [0 — æ] est extrêmement faible, certains l'estiment nul (K. Togeby, B. Malmberg) n'admettant qu'un seul pho­nème soit [0], soit [æ].

En effet la loi de position régit en grande partie le fonc­tionnement des voyelles [0 — æ], le son [æ] ne se trouvant jamais а la finale absolue du mot dans la syllabe ouverte accentuée oщ il alterne avec le son formé [0] : æil-— yeux ['æj — 'j0], bæuf bæufs ['bæf — 'b0], aïeul aïeux [a'jæl — a'j0], ils veulent il veut [il 'væl — il 'v0], ils peuvent — // peut [il 'pæ:v— il 'p0]. 1 Par contre, а la différence de la voyelle [æ], le son [0] est d'un emploi restreint dans les syllabes fermées accentuées : il y apparaît devant la consonne «fermante» [z] tandis que la position devant un [r] demande l'emploi du [æ] : porteur porteuse. Cependant on trouve le [0] en position inaccentuée devant un [] : Europe [0гэр ] (P. Fouché, L. Warnant). On trouve le [0] également devant [t, 3, 1ê], tandis que devant [î, v, j, vk] on utilise seulement le [æ] : veuf, veuve, accueil, couleuvre, aveugle. 2 Néanmoins les Français distinguent, selon A, Martinet, les mots jeûne ['s0:n] et jeune ['sæn], veule ['v0:l] et veulent Г væl].

Comment juger le son [0] ? Est-ce que c'est un phonème ou bien une des variantes du phonème [æ] ? Pour prouver le caractère phonologique de l'opposition [æ — 0] il suffit de trouver en français contemporain des positions phonétiques identiques pour les deux sons, d'appliquer le principe de com­mutation. Si, par contre, la distinction [æ — 0] ne dépend que de leur position dans la chaîne parlée ou dans le mot, les deux sons ne forment qu'un seul phonème (voir § 10). Or on trouve les deux sons également en syllabe accentuée fermée

1 II faut néanmoins tenir compte du fait que le [æ] peut éventuelle­ment apparaître en syllabe ouverte accentuée: prends-le, je dis 'que...(devant une pause oratoire), l'article 4e, la négation 'ne, etc.

2 G. Gougenheim. Eléments de phonologie française. P., 1935,p. 22.

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dans le voisinage des consonnes qui n'influent pas sur le degré d'aperture de la voyelle, par exemple, dans les mots aïeule [a'jæl], seule ['sæl], gueule t'gæl] — meule ['m0:l] ; jeune ['5æn] — jeûne ['ç0:ï]. Ou encore dans la chaîne parlée en syllabe ouverte en position inaccentuée : de tristes personna­ges — deux tristes personnages, comme je dis comme jeudi, le [æ] ne pouvant être omis en raison des consonnes environ­nantes (exemples empruntés а G. Gougenheim). En position accentuée — sur 'ce je termine = sur 'ceux qui étaient partis, le [æ] du pronom démonstratif ce étant accentué dans des constructions pareilles du français moderne. On trouve égale­ment le [æ] en syllabe ouverte du pronom personnel а l'im­pératif— prêtez-'le, faites-'le — oщ on prononce le pronom le soit avec un [0], soit avec un [æ] *.

Puisque l'emploi des voyelles [æ] et [0] peut ne pas dé­pendre de leur position phonétique — aussi rare que ce soit — il importe de distinguer deux phonèmes labiaux antérieurs en français contemporain. D'ailleurs, l'opposition [æ — 0] doit être d'une formation récente puisque le vocalisme du XVIIIe siècle distinguait encore deux phonèmes : le [æ] bref et le [æ] long dont le deuxième a donné la naissance au [0] en syllabe fermée. Nous avons les vestiges de cette distinction quantitative d'autrefois dans la prononciation de certains Français. Citons les exemples de G. Gougenheim :

  • veule ['væ:l] seule l'sæ:l] filleule [fi'jæ:!

    'væi;

    ils veulent [il

  • seul ['sæl]-filleul [fi'jæl]

Les variantes du phonème [0] d'après le degré d'aperture vont de la nuance la plus fermée en syllabe accentuée devant la consonne allongeante [z]— menteuse [m.'t0:z]— а la variante ouverte en syllabe inaccentuée devant une consonne autre que [z] — neutraliser [noteali'ze] (voir le tableau des variantes, § 48).

Les variantes intermédiaires sont plus ou moins fermées : en syllabe accentuée fermée — pleutre ['p!0:tr], en syllabe accentuée ouverte — creux. Ïаш], en syllabe inaccentuée devant un [z]—creuser [kK0'ze].

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