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§ 21. L'orthoépie détermine l'emploi des sons et de Гае-cent dans la langue d'aujourd'hui. *

1. Le vocalisme inaccentué reste relativement invaria­ble, les voyelles françaises ne perdant pas leur timbre dansla position atone, bien que leur caractéristique s'en ressente(voir § 22, 53). Ceci oppose le français а la langue russe dontle vocalisme inaccentué est relché au point que le russe neconnaît pas la voyelle Û dans la syllabe inaccentuée, аl'exception d'un nombre restreint de mots empruntés.

Fr. postal Û, commode Û, etc.—russe: ïîчтîûé [a], êîмîд [a].

Ce trait particulier peut être expliqué par la tension extrêmement grande de l'articulation française (voir ch. IV), par le caractère relativement faible de l'accent français et l'alternance rythmique des syllabes accentuées et non ac­centuées.

2. Le français moderne connaît certaines restrictions dansl'emploi des voyelles fermées et ouvertes et cela malgréle caractère phonologique de cette opposition. Ainsi, lesvoyelles ouvertes labiales Û, [æ] ne se trouvent jamais аla fin absolue du mot sous l'accent, elles y cèdent la placeа leurs oppositions fermées: tricotertricot [tniko'te—tBÎ'ko], ils peuventil peut [il 'pæ:v — il 'p0], ils veu­lent il veut [il 'væl — il 'v0], dactylographe dactylo[daktib'gKaf — dakti'lo], microphone micro [mikKo'bn— mi'kBo].

Le phonème [e] n'apparaît jamais dans la syllabe fer­mée. Si la syllabe change de caractère, а la suite de l'a chute du e instable, la voyelle [e] passe а la voyelle ouverte [s] :

1 Ce manuel contribuant dans son ensemble а la description de la norme orthoépique du français, le présent chapitre se borne а exposer les lignes générales de l'orthoépie française par comparaison avec celle du russe.

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[e-ve-næ-md >e-vsnmd ] malgré la graphie — événement. Leplus souvent cette modification phonétique est reflétée dansla graphie du mot. Tel le mot avènement et toute la série demots du type fièvre qui avaient autrefois, а l'époque oщle e final était prononcé, le son [e] fermé dans le radical —fièvre [fje-VKæ]. La chute due instable amenant la modifi­cation du caractère syllabique du mot, ['fje-vKæ] a passéа ['fjevrl. Cf. son derive fiévreux qui a gardé le son fermé.La loi de position s'est constituée а l'époque de la nor­malisation du français ; elle se répand peu а peu, contribuantde la sorte а l'éloignement de plus en plus grand du françaisde son origine latine. Un nombre assez grand de mots, ayanteu étymologiquement une voyelle fermée, ont remplacé leson fermé au cours des siècles par la voyelle ouverte, ce quiest conforme а la syllabe fermée du français moderne : vïrï-dem > [vert ] > ['vein ]; crïstam > [kreste ] > [kre:tæ ] >

['kKs:t] ; mlttere>[mètre]> ['rnetr] ; vïginti>[vлni]>['vs], etc.

Par contre, une autre langue romane, l'italien, reste fidèle а son étymologie gardant les voyelles fermées du latin vulgaire dans la sylla­be accentuée : [verde], [kresta], [mettere], [venti] : cf. it. ['venti] = = les vents. 1

3. Le timbre des consonnes sonores ne change pas consi­dérablement а la fin absolue du mot. Ces consonnes gardent leur caractère sonore а la fin du mot : limonade [limo'nad], gaz ['ga:z], bagage [ba'ga:s], aube ['o:b], langue ['ld:gj, rive ['kî:v], etc.

Cette particularité de la prononciation française est due а l'articulation du français : observation nette des phases de l'articulation grce а la tension égale des muscles et la rupture nette des organes de la parole, la phonation achevée. En plus, la consonne finale (une consonne а tension décrois­sante, voir § 86) a la possibilité de redevenir une consonne а tension croissante grce а l'enchaînement au milieu du groupe accentuel et du syntagme (voir § 89), ce qui lui per­met de garder son caractère sonore : envoyer les bagages а la consigne [d.vwa'je le ba'gas^a la ko/siji], une langue étrangère [yn Id.g^etK.'ssiK], etc. La longueur de la voyelle précédente ne contribue pas moins а conserver la so­norité de la consonne finale : ge, thèse, cave, terre — ['а:ç — 'ts:z — 'ka:v — Ъ:].

1 La syllabe atone de l'italien a subi plus de modifications ayant réduit les voyelles [e], [o] aux sons fermés.

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4. Les consonnes du français sont peu sujettes а l'assimi­lation. Suivies de voyelles antérieures, elles restent plutôtdures, elles ne se mouillent pas facilement, ce qui devientévident, dès qu'on les compare aux consonnes russes dansla même position. Exemples — méthode [me'tod], type ['tip ],tube rtyb], décadence [deka'ddis], etc.

Ayant adopté ces mêmes mots français, le russe les a assimilés et soumis а ses règles de la prononciation : ['m'e-tat — 4'ip — 't'ub'ik — d'eka'dans].

5. L'accent du français est fix e, il frappe la dernièresyllabe du mot significatif, pris isolément : a'lier, démons­tration. L'accent du russe est, par contre, libre : il peutaffecter n'importe quelle syllabe du mot, tout mot connais­sant toutefois ses propres règles d'accentuation. L'accenttombe tantôt sur la syllabe initiale — 'лîжечêа, tantôt surla deuxième syllabe — сегîдня, tantôt sur la dernière —че'ра. D'autre part, l'accent russe est mobile, en ce sensqu'il peut frapper différentes syllabes d'un même mot quandcelui-ci change de forme grammaticale, par exemple, руêа 'руêè.

Dans la chaîne parlée, par contre, tout mot français peut perdre son accent. L'accent français se déplace а l'intérieur du groupe accentuel frappant la dernière syllabe du groupe. Pour ce qui est du mot russe, il garde toujours son accent dans la proposition (а quelques exceptions près qui ne font que confirmer la règle —'çа мîрем те'лушêа ïî'лушш...)

Vous voulez ? Voulez-'vous ? Vous ne voulez 'pas ? Voi'lа un crayon... Voi'lа un crayon 'rouge. En voi'lа un chapeau... Chapeau 'bas \ Cf. Хî'тèм! Мû не êî'тèм стречаться.

§ 22. La norme orthoépique admet certains flottements dans la prononciation dus aux particularités du système phonologique du français. * Telles sont les variantes admi­ses de la prononciation des mots dont la syllabe inaccentuée renferme des voyelles [s], [o] : automne [o/ton—o'ton], ], aujourd'hui [o^UK'dqi—03UK'dqi], effort [s'foiB— е'Гэ:ê], effaré [efa'ne — efa'ne], etc. 2

1 Toute langue connaît ses flottements а elle dans la norme orthoépi­que; tantôt ils touchent les sons (tel est le cas du français), tantôt c'estl'accentuation du mot qui s'en ressent, tel est le cas du russe, par exem­ple : мûшленèе мûшленèе.

2 Le nombre d'exemples peut être multiplié. Voir V. Buben. In­fluence de l'orthographe sur la prononciation du français moderne. Bratis-lave, 1935; M. G ram mon t. La prononciation française. Delagrave,P., 1954, pp. 28, 42,

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Puisque remploi des voyelles ouvertes et fermées est conditionné bien souvent par leur position dans le groupe accentuel, ces voyelles changent de timbre dans la syllabe inaccentuée, oщ leurs variantes sont bien proches de leurs oppositions phonologiques, tel le [] dans le mot effort sous la forme de sa variante la plus fermée en raison de la position atone et de la syllabe ouverte. Sur les causes des flottements voir § 36—37.

§ 23. Tout en étant standardisée et unifiée, la norme orthoépique n'est pas pourtant homogène. La prononciation varie selon le but et les conditions de renoncé. Ces varia­tions admises par la norme sont connues sous le nom de styles. La quantité de variations possibles est illimitée allant du discours soutenu, prononciation quasi syllabique, jusqu'а la négligence Ja plus complète.

L'académicien L. Scerba distingue deux styles : style soigné ou soutenu et style parlé ou familier. 1 Chacun de ces styles, а son tour, comprend plusieurs variétés, qui, fait regrettable, ne sont pas étudiées en détail.

D'autres linguistes proposent diverses autres classifications, que voici. P. Passy parle de quatre variantes de prononciation — pronon­ciation familière (style moyen « qui paraît le mieux convenir а l'étude élémentaire et а renseignement»), prononciation familière rapide, prononciation soignée, prononciation solennelle. 2 P. Fouché en dis­tingue quatre, lui aussi, mais il les classe d'une manière différente : le débit de la conversation familière, ceux de la conversation soignée, de la conférence et de la récitation des vers. 3 Dans sa conférence sur divers aspects de la prononciation parisienne, le professeur G. Straka, de l'Université de Strasbourg, décrit également quatre styles : pronon­ciation populaire, prononciation solennelle et celle des vers classiques qui forment (la première et les deux dernières) deux pôles de la pronon­ciation, et au milieu de l'échelle, G. Straka place la prononciation « de la bonne société », celle des gens ayant reçu une instruction, prononcia­tion modèle. Celle-ci, а son tour, connaît une subdivision en conversa­tion familière et conversation soignée. 4

Ces descriptions de divers aspects de la prononciation comprennent, toutes, certaines variations se trouvant en dehors de la norme orthoépi­que, telles que la prononciation dite familière rapide (P. Passy), la prononciation populaire (G. Straka). Le débit de la récitation des vers

1 Л. . Щерба. Ôîнетèêа ôранцуçсêîгî яçûêа. Èнîèçдат, M.,1953, § 21.

2 P. Passy. Les sons du français. Didier, P., 1913, pp. 9—10,126.

3 P. Fouché. Les diverses sortes de français au point de vue pho­nétique. «Le français moderne», n° 3, 1936.

4 G. Straka. La prononciation parisienne, ses divers aspects.«Bulletin de la faculté des lettres de Strasbourg», n° 5—6, 1952.

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n'est que convention et tradition, et ne constitue aucune variété sty­listique de la norme littéraire.

Nous admettons la division en deux styles faite par L. Scer­ba. Le style soigné présente une prononciation standardisée, élaborée au cours des siècles, étudiée а l'école. On l'appelle autrement style syllabique (N. Pernot). l Cela veut dire qu'on prononce, en parlant, distinctement toutes les sylla­bes (а quelques exceptions près, par exemple, la chute du e instable au milieu des mots tels que acheter, appeler, dans la négation ne, l'article le et la préposition de entre deux consonnes, etc.). Le style soigné est celui du rythme ralenti très distinct, c'est le style des discours et des conférences. On le parle а des personnes peu connues dans les conditions d'un entretien officiel.

La récitation des vers classiques a pour base le style soi­gné, mais diffère de celui-ci par quelques traits convention­nels de la prononciation archaïque que voici : le maintien, voire même l'introduction du [e] dans la syllabe non accen­tuée— messieurs [me'sj0], lesquels [le'kel], fêter [fe'teï, aimer [e'me], mes [ma], des [de]... ; le respect de tous les e instables а la finale des mots aussi bien qu'а l'intérieur, excepté le mot final du syntagme ; l'observation de toutes les liaisons, la mise en relief de la durée vocalique, etc. Les vers composés а l'époque du classicisme observaient rigou­reusement les règles de la syllabtion et du rythme des XVIe — XVIIe siècles. Citons quelques exemples :

Tous mes [e] sens а moi-même en sont encore charmés..., Il estime Rodrigue autant que vous l'aimez [h/me]..., Dis-moi donc, je te prie, une seconde fois... Non, j'ai peint votre cæur dans une indifférence...

(Corneille, « Cid ». Comédie-Française)

  • Je trouverai moyen de me venger^un jour...

  • ...faites-la manquer*^ adroitement... v-

  • C'est for t^ amusant. (V. Hugo, «Marie Tudor ».TNP)

De nos jours la prononciation familière porte atteinte а la tradition classique de réciter les vers. En voici quelques exemples tirés du phono­gramme du spectacle « Cid » (Comédie-Française) :

Entre ces deux amants me pench' d'un côté...

1 N. Pernot. Exercices de prononciation française а l'usage des étudiants anglo-saxons. P., 1932, p. 7.

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  • Le roi peut а son gré disposer d' ma vie...

  • // a dit: «Je Г veux»', désobéirez-vous?...

  • Nouveir dignité, fatale а mon bonheur... 1

§ 24. Style parlé ou familier, c'est le débit au rythme plus ou moins accéléré, la langue qu'on parle а ses familiers, aux personnes de sa connaissance. Voilа quelques-unes de ses caractéristiques essentielles 2 :

1. La chute du e instable dans les conditions respectéespar le style soigné :

  • J(é) vais lire le journal... et m(e) reposer. Tu m'en­tendras siffler l(e) chien. Je port(e) rai la carnassière ?

  • Ote tes mains d'tes poches. Y a-t-il beaucoup d(e)travail? Е1Г m' défend c' qu'elle veut.3

  1. Dans certains mots oщ la langue actuelle hésite entre[a] et [a], le français parlé a le plus souvent des préférencespour le [a]. Ainsi, on prononce avec la voyelle antérieuredes mots tels que — boîte ['bwat], goitre ['gwatr], etc.

  2. Il survient des modifications considérables dans l'arti­culation labiale du français parlé. D'une part, la labialisationtend а s'implanter dans les voyelles postérieures en affectantle [al postérieur et surtout le [a], les seules voyelles ayantété jusqu'а une époque récente non labialisées parmi les pho­nèmes postérieurs. D'autre part, elle perd du terrain dans lesvoyelles antérieures nasales : le caractère labial du [6e] de­vient tellement faible surtout dans la région parisienne, qu'ilse confond avec le [i]. Il s'ensuit que la série antérieure desvoyelles nasales tend а devenir non labiale et la série posté­rieure, par contre, devient labiale.

  3. La réduction des groupes de consonnes — loi phoné­tique stable qui régit le français depuis l'époque de sa for­mation, et que connaissait le latin populaire 4 :

1 «M. Vendryes a montré plaisamment que la prononciation actuelledu français permettait d'allonger ce vers de trois mots sans augmenter lenombre de syllabes: «Donn' lui tout a'même* а boir' un' goutt* d'eau,dit mon père. » Ch. Bail y. Linguistique générale et linguistique fran­çaise. 2e éd., P., p. 277 (il s'agit de la poésie de V. Hugo «La ba­taille»).

2 A consulter: A. Sauvageot, Français écrit, français parlé.P., 1962, pp. 152—163.

3 Le phonogramme du spectacle de la Comédie-Française «Poil deCarotte» (de Jules Renard).

4 Cf. ... miles non milex (197, 28). ansa non asa (198, 9), auctornon autor (198, 30), — Appendix Probi, Grammatici latini ex rec.H. Keilii (le premier chiffre renvoie а la page du livre, le deuxième in­dique la ligne).

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Ça, i(l) (n)'y personne. 1(1) y a plusieurs moyens. Qu'est-ce qu'i(l)s avaient de neuf? 1(1) fait sa sieste... Pa(r) ce que la clef de la cave... (« Poil de Carotte »). Pa(r) ce que pour Vanglais i(l) y a un problème..., i(l)s existent... 1

Cependant le fonctionnement de cette loi diffère quelque peu de sa réalisation а l'époque romane. Aujourd'hui la ré­duction atteint les sonantes (r, 1) qui appartenaient autrefois aux consonnes les plus stables (voir aussi plus bas, point 5). Il s'agit donc d'une loi phonétique qui dure а travers les siècles tout en modifiant, néanmoins, а différentes périodes du développement de la langue, son caractère, frappant а différentes époques divers éléments de la langue (а l'époque romane c'étaient les consonnes n, s, k, qui subissaient ce trai­tement).

La réduction des groupes de consonnes provoque la chute de la première consonne du groupe, consonne а tension dé­croissante, ce qui contribue а la stabilisation de la syllabe ouverte malgré l'affaiblissement du [æ].

Ce phénomène phonétique peut être gros de conséquences pour le système grammatical du français. Il atteint en style parlé la négation française qui perd peu а peu son premier élément ne (elle viendra pas, j'ai pas peur, etc.), aussi bien que certains tours impersonnels, tels que il faut>faut, il vaut mieux> vaut mieux, et autres. Par exemple : Y a la retraite ; izont des bloudjinnzes ; alors quoi, i va pas se déci­der ; i parle pas ; etc. (R.Queneau, « Zazie dans le métro »). 2

5. L'assourdissement et la chute des sonantes r et 1 dans les groupes inséparables « muta cum liquida » (occlusive plus sonante r ou 1) а la fin du mot se trouvant au milieu du syn-tagme, devant un autre mot commençant par une consonne, ainsi qu'а la fin du syntagme. Le processus a dû commencer par la réduction des sonantes après une occlusive sourde gr­ce а l'assimilation progressive (groupes -tr, -cl, -pi). De nos jours il a atteint tous les groupes indivisibles et se fait enten­dre même dans la prononciation des speakers а la radio :

Et vot1 malle ? Vous avez vot' bulletin ? 1(1) y a aut* chose. ... moind' prétexte, ... prend1 par la main...

1 Les exemples qui n'ont pas de références ont été recueillis parl'auteur lors de son séjour en France.

2 H. A. Шèгаресêая. Îчерêè ïî сèнтаêсèсу сîременнîéôранцуçсêîé раçгîîрнîé речè. ЛГУ, 1970.

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je voulais me pend9 ... pauv* petit monsieur... (« Poil de Carotte»). * Pas autt chose, c'est pas croyab, c'est pas possib, elle empeste voit lingerie. (R.Queneau, « Zazie dans le métro »).

  1. L'épenthèse de la sonante constrictive [j] entre deuxvoyelles dont la première est fermée (souvent toutes les deuxsont fermées) : tablier [tabli'je], ouvrier [uvBi'je], oublier[ubli'je], crier [kin'je], riait fei'je], etc.2

  2. Un certain nombre de consonnes finales apparaissenten français parlé, surtout dans les adjectifs numéraux (dansles dates, dans les comptes) et dans quelques monosyllabes :le neuf mai [læ næ 'me] — [læ næf 'me], cinq franc [si'fret] — [ss.k 'fKd], le but [læ 'by] — læ 'byt], émet [eg'za]— [eg'zakt], le fait [læ 'Û — [læ 'fet], etc.

  3. Le style parlé réduit au minimum les liaisons — restesde la prononciation d'autrefois. La langue familière gardepour la plupart les liaisons а fonction grammaticale du plu­riel : leurs^amis, ils^ avaient, de grandes villes^ européennes.La plupart des autres liaisons sont évitées, excepté la liaisonentre la préposition ou l'article et le nom, et quelques autres(voir § 110—111) :

C'est = un exercice pour moi. A la maison c'est = un homme préoccupé. Tout le monde ne peut pas = être orphelin. C'est = elle qui le lui a défendu. (« Poil de Carotte »). Pas = en sanscrit ; les études ont = été faites, etc.

9. L'apparition d'un accent supplémentaire а la syllabeinitiale du mot significatif contribue а la mise en relief dudébut du mot français :

Nous allons "commencer а ''travailler..., tu es "décidé de bien "travailler?... sera "dirigé par le jeune chef (phonogramme du film «Prélude а la gloire»). Faire "disparaître notre "raison "d'exister, il y a une "mé­taphore, etc. 3

10. La dilation vocalique (harmonie ou harmonisation vocalique) fait fureur dans le style parlé (voir § 101, 105). Les formes du style soutenu s'opposent nettement а celles du style familier :

affaisser [afs'se] — [afe'se] affaiblir [аЬ'Ûêê] — [afe'blin] aider [e'de] — [é'de]

amaigrir amsgBKK

déchaîner [deje'ne] — [deje'ne].

§ 25. Les changements dans la norme orthoépique com­mencent par les modifications phonétiques du style parlé. Se répandant de plus en plus, celles-ci envahissent le style soigné. C'est alors que change tel le ou telle règle de la pronon­ciation et la norme littéraire se trouve modifiée. Cf. [oi> >ws>wa] en langue dite populaire du XVIIe siècle qui est devenu un fait de la norme orthoépique au XIXe siècle.

Puisque ces changements n'atteignent pas toutes les rè­gles а la fois, la prononciation en entier ne se modifie pas а vue d'æil. Ceci assure la compréhension mutuelle des généra­tions.

Il existe une autre source de modifications de la prononcia­tion. C'est l'influence de la graphie1. La voilа, la cause du grand nombre de géminées en particulier, qui se font entendre de plus en plus souvent dans le parler des speakers а la ra­dio — illégal, illimité, illusion, Hollande, irrégulier, et mê­me — aller, mollets, etc. C'est aussi l'influence de la graphie qui provoque l'apparition ou la restitution des consonnes finales dans les monosyllabes : le fait ['fet], le but ['byt], plus ï'plys], etc.

1 Cf. les changements dus а la graphie, au cours des XVIIe—XIXe siècles — che(p)tel > cheptel, su(b)til > subtil, a(d)venir > advenir, etc.

1 Cf. la transcription du groupe «II n'y a qu'а la battre» Yaqualabatte, donné par H. Bazin, «L'huile sur le feu», p. 52.

2 Voir: N. Per no t. Exercices de prononciation française а l'usagedes étudiants anglo-saxons. P., 1932. Le style soigné admet souvent cetteprononciation.

3 L'accent supplémentaire du début du mot apparaît également dansle style soigné, spécialement dans le style oratoire.

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4 Шèгаресêая H. A.

Chapitre III

Phonétisme dû français

§ 26. Le caractère particulier du phonétisme d'une langue se manifeste dans la quantité des phonèmes, leur qualité — les oppositions phonologiques et les caractéristiques phonéti­ques— et leurs combinaisons possibles.

  1. Le nombre de phonèmes est assez restreint, variant de30 а 50 dans les langues occidentales. Les langues connais­sent différentes proportions entre les voyelles et les consonnesqui tantôt présentent un équilibre relatif, soit en français —15 voyelles et 20 consonnes, en anglais — 21 voyelles et 25consonnes ; tantôt constituent un système oщ la richesse enconsonnes supplée а la pauvreté relative des voyelles, soiten russe — 6 voyelles et 37 consonnes, en espagnol — 5voyelles et 25 consonnes.

  2. Les variétés qualitatives des sons d'une langue sontfort nombreuses, néanmoins elles ne présentent pas toutesdes caractéristiques pertinentes а valeur phonématique. Ain­si, le russe connaît 4 variétés phoniques du phonème [e]allant du plus fermé dans le mot cerna, entre deux consonnesmouillées, jusqu'au plus ouvert dans les mots цеï, эта, tou­tes les quatre ne comportant pourtant qu'une seule valeurphonologique, celle du phonème [e]. Par contre, en français,les mêmes variétés phoniques constituent des oppositions pho-nématiques qui sont а la base de deux phonèmes — [e] fer­mé et [e] ouvert : le dé le dais [de — de].

La diversité des systèmes phoniques se réalise donc en différentes oppositions phonématiques utilisées dans les lan­gues. Tel, par exemple, le russe qui emploie largement l'op­position « consonne dure — consonne mouillée » inconnue du français, tandis que la langue française utilise dans le vocalisme plusieurs oppositions phonématiques que le russe ne connaît pas : voyelle orale — voyelle nasale, voyelle an­térieure non labiale — voyelle antérieure labiale, etc.

Il y a autre chose aussi dans la caractéristique qualitative des phonèmes qui relève de la base articulatoire d'une langue (voir ch. IV). C'est que l'aspect phonétique d'un même pho­nème en différentes langues peut revêtir un caractère parti­culier, ce qui n'amène pas forcément une faute de compré-

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hension, mais donne tout de même un accent étranger а la prononciation. Soit, par exemple, les consonnes nasales [m, n] qui existent dans les deux langues, le russe et le français : dans la prononciation d'un Français elles sont explosives, а la fin du syntagme, tandis que le Russe les fera toujours mourir en cette position — elles sont plutôt implosives. Ou bien le phonème postérieur [u] étant beaucoup plus avancé en français qu'en russe, etc.

  1. Dans la chaîne parlée les phonèmes composent desgroupements variés qui présentent, eux aussi, certaines par­ticularités. Il y a des groupements qui existent dans plusieurslangues, par exemple, [st, rt, tr] en français et en russe, etc.Il y en a d'autres qui sont fort rares et même proscrits danscertains idiomes. Soit les combinaisons [rm, tk, rg], etc.ne se trouvant jamais en syllabe initiale dans la langue fran­çaise, sauf quelques emprunts, et rarement а l'intérieur desmots. Le français parlé évite de même la rencontre de deuxvoyelles dont la première est une voyelle fermée, il en résultel'épenthèse de la consonne [j ] : ouvrier [uvKi'e>uvKi'je](voir § 93 g).

  2. Parmi les sons français, il y a ceux qui évitent certai­nes positions, tels que le [ji ] ne se trouvant jamais au débutdu mot dans la langue littéraire, les [q, w] — а la fin, lesvoyelles [o] et [æ] — dans la syllabe ouverte accentuée, etc.

§ 27. Le phonétisme français comprend deux grandes classes de sons distinctes : voyelles et consonnes. Pour déli­miter ces groupes de phonèmes, il existe plusieurs critères et notamment les critères : physiologique, acoustique et pho­nématique. Il y a lieu de tenir compte de tous les trois pour arriver а déterminer les limites entre ces classes de sons dans différentes langues.

Quand on articule une voyelle, les organes de la parole sont tous tendus d'une façon plus ou moins régulière, la ten­sion musculaire n'étant pas localisée. C'est par ce caractère physiologique particulier dit tension répandue que les voyelles diffèrent des consonnes, celles-ci se caractéri­sant par la tension localisée. Il suffit de comparer deux phonèmes fort semblables, la voyelle [i ] et la conson­ne [j], pour constater que le point d'articulation de la con­sonne se trouve entre la partie médiane du dos de la langue très haut levée et le milieu du palais dur. C'est entre ces organes que se forme le bruit caractéristique de la sonante [j], tandis que pour la voyelle [i ] tous les organes phona-

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teurs — la langue, le bout et le dos, les commissures des lè­vres, les muscles des joues, etc. — sont plus ou moins égale­ment tendus, sans qu'aucun d'eux puisse être considéré com­me le point d'articulation. Aussi est-il bien difficile de dé­terminer exactement l'articulation d'une voyelle. Ce critère a été avancé par Baudouin de Courtenay. ' Pour les consonnes, il se produit un rapprochement des or­ganes de la parole et même une occlusion ce qui constitue un obstacle considérable au passage de l'air par les cavités de résonance. Pour les voyelles, par contre, la voie buccale est plus ou moins libre. Pourtant la présence de l'obstacle n'a­mène pas forcément l'effet consonantique du fait que certaines voyelles fermées, telles que [i], [y] sont articulées avec le dos de la langue levé vers le palais dur. L'essentiel, c'est la force de la colonne d'air expiré des poumons ou bien la dé­pense totale de l'air (Rousselot). Elle est moins grande pour 1 les voyelles et plus grande pour les consonnes, surtout pour les consonnes sourdes 1.

§ 28. Du point de vue acoustique toute voyelle est un ton musical par excellence 2, alors que toute consonne est un bruit auquel peut s'ajouter le ton musical. Parmi les, con-so~nnes il y a quelques çhonèmes dans lesquels le ton musical domine et qui forment 'par cela même une classe de sons in­termédiaire entre les consonnes et les voyelles. Ce sont les sonantes. Or, leur caractère physiologique et syllabique re­levant nettement du type « consonne », les sonantes sont ran­gées parmi ces dernières (voir § 29).

§ 29. Du point de vue phonématique une voyelle forme toujours une syllabe, c'est un son syllabique par excellence. Toutes les voyelles en français sont donc syllabiques. Par contre, les consonnes françaises ne constituent pas а elles seules des syllabes а l'exception de quelques interjections — pst /... ou onomatopées — frrt ! etc. Néanmoins il y a des langues dans lesquelles une consonne est susceptible d'orga­niser la syllabe, par exemple, les sonantes en langue tchèque : Dr~da, Hrd-litcka, etc. Ну en a d'autres qui l'admettent dans le style parlé, telle la langue russe, par exemple — ру-бль.

1 M. È. Матусеèч. еденèе îбщую ôîнетèêу, 2-е èçд.,М., 1948, стр. 34—35; Л. Р. Çèн дер. Îбщая ôîнетèêа, ЛГУ, Л.,1960, § 96-97, 104—105.

2 D'après les dernières recherches dans l'acoustique, il paraît queles voyelles ne sont pas exemptes de bruit.

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