- •§ 2. Bref, la phonétique est une science linguistique qui a son objet et ses méthodes d'analyse spécifiques.
- •§ 3. La phonétique théorique tient également compte du développement historique du système phonétique d'une langue.
- •§ 4. Outre les méthodes d'analyse linguistique qu'elle utilise en tant que science linguistique, la phonétique a ses propres méthodes qui tiennent au fait que son objet est spécifi-
- •§ 5. Bien que la phonétique forme une discipline а part, elle est étroitement liée aux autres branches de la linguistique telles que la grammaire et la lexicologie anciennes et
- •§ 6. La phonétique comporte plusieurs branches.
- •§ 7. On émet les sons au moment de l'expiration : l'air expulsé des poumons remonte vers le larynx (fig. 4, 4a, 5—1) qui termine la partie supérieure de la trachée.
- •3. Théorie du phonème1
- •§ 17. Signes de transcription. Nous plaçons ci-après les caractères employés dans le manuel ; les mots mis en regard renferment les phonèmes transcrits.
- •§ 21. L'orthoépie détermine l'emploi des sons et de Гае-cent dans la langue d'aujourd'hui. *
- •1. Vocalisme1
- •§ 32. Les traits particuliers et essentiels du vocalisme français sont les suivants :
- •§ 34. Les voyelles antérieures ou voyelles d'avant sont formées avec la partie antérieure de la langue massée en avant et la pointe touchant les alvéoles inférieures.
- •§ 38. La voyelle [a] est une voyelle orale, antérieure, ouverte, non labiale (fig. 11).
- •§ 42. La voyelle [æ] est une voyelle orale, antérieure, mi-ouverte I, labiale.
- •§ 44. La voyelle [u] est une voyelle orale, postérieure, labiale, fermée (fig. 15). Son utilisation ne comporte aucune restriction. Elle est employée aussi fréquemment que la
- •§ 46. La voyelle [o] est une voyelle orale, postérieure, labiale, mi-ouverte. Par rapport au phonème [o], le phonème [o] est une voyelle ouverte (fig. 11, 15a).
- •§ 49. Le français possède un nombre relativement restreint de voyelles nasales. Il en a quatre [л — æ — э — cl].
- •§ 50. La valeur phonologique des voyelles nasales se fait sentir dans l'opposition extrêmement fréquente —
- •§ 52. Les voyelles nasales constituent une particularité dans le système phonématique du français, qui l'oppose nettement а la plupart des autres langues romanes et même indo-européennes.
- •§ 54. Nous présentons ci-dessous le tableau des voyelles-phonèmes du français contemporain telles qu'elles sont décrites dans les paragraphes précédents.
- •2. Consonantisme
- •§ 57. Les traits essentiels du consonantisme français sont les suivants :
- •§ 59. Du point de vue acoustique les sonantes devraient faire partie des voyelles puisqu'elles présentent en premier
- •§ 65. L'opposition consonne orale — consonne nasale est d'une grande importance pour les
- •§ 68. Parmi les consonnes constrictives bruits on trouve deux consonnes labio-dentales [f — V ] et deux paires de consonnes prélinguales [s — z], [j — 3].
- •§ 69. Parmi les constrictives il y a cinq sonantes [1, h, j» w, ц]. Toutefois, parmi les variantes du phonème [ê] il y a aussi des variantes vibrantes.
- •§ 75. Nous présentons ci-dessous le tableau des consonnes-phonèmes du français contemporain telles qu'elles sont décrites dans les chapitres précédents.
- •§ 78. La base articulatoire du français moderne a quelques traits particuliers qui opposent le français а plusieurs autres langues.
- •1. Théories de la syllabe
- •§ 83. Cependant dans l'étude de la syllabe et de la sylla-bation on se heurte а beaucoup de problèmes compliqués, а commencer par la définition de la syllabe.
- •§84. La théorie expiratoire (Baudouin de Courtenay, Bogoroditsky, Sweet, tout dernièrement Stetson) prétend qu'une syllabe correspond а un renforcement dans l'expiration.
- •§ 86. C'est le critère physiologique qui est а la base de la théorie de la tension musculaire. (l. Scer-
- •§ 90. La coupe syllabique en français met en valeur la syllabe ouverte : dans la plupart des cas la consonne fran-
- •§ 92. Evidemment, le style soutenu est plus soucieux des règles qui régissent le comportement du e instable. 1
- •§ 93. La constitution syllabique du français est très variée. Le français connaît différents types de syllabes — V,
- •§ 98. D'après le degré de l'assimilation on distingue l'assimilation partielle et l'assimilation totale. C'est la première qui est familière а la langue française.
- •2. Dilation vocalique
- •3. Dissimilation
- •1. Alternances vivantes
- •§ 106. L'alternance «voyelle — consonne» se fait entre les voyelles fermées [I, y, u] et les sonantes constrictives [j, ц, w].
- •§ 107. Une voyelle brève alterne avec une voyelle longue. Cette alternance a deux aspects en français moderne.
- •3. Liaison l
- •161Шèгаресêая h. A.
- •§ 113. La liaison a contribué а donner deux formes différentes а un même mot. Tel est, par exemple, le cas des ad-
- •§ 114. La proposition étant l'unité fondamentale а valeur communicative, les moyens phonétiques qui la caractérisent prennent une importance primordiale.
- •§ 122. Pour ce qui concerne le français, il ne supporte pas ou bien supporte difficilement deux accents de suite.
- •§ 123. Le mot accentué forme avec ceux qui le précèdent un seul groupe phonique appelé groupe accentuel.1
- •§ 127. Les lois de l'accentuation française ont des conséquences exceptionnelles pour l'accentuation logique et affective du français.
- •§ 129. Néanmoins, le français possède l'accent dit logique (ou intellectuel) dont les fonctions et la forme sont quelque peu particulières.
- •2. Syntagme2
- •§ 134. La répartition de l'énoncé en syntagmes, unités phonétiques, relève donc en premier lieu du sens de l'énoncé et repose sur la syntaxe de la phrase. Soit cette proposition. —
- •3. Mélodie1
- •§ 137. Le mouvement musical de la phrase — mélodie implique des variations de la hauteur du ton fondamen-
- •§ 138. Suivant le but de l'énoncé, il importe de distinguer les propositions énonciatives, interrogatives et excla-matives.
- •§ 142. Nous donnons ci-dessous quelques spécimens de phrases а deux membres :
- •§ 145. La mélodie de certains types de syntagmes demande une explication а part.
- •§ 146. Le mouvement musical d'une proposition interrogative dépend, primo, de la portée de l'interrogation, et, secundo, des procédés d'interrogation utilisées dans la phrase.
- •Vous partez demain ?
- •§ 152. Il existe beaucoup de phrases affectives présentant des variétés d'intonation riches en nuances, souvent très délicates а définir.
- •§ 154. L'emphase peut être également rendu en français par un autre moyen phonétique qui s'ajoute le plus souvent
- •§ 161. Les causes de ces divergences gisent dans le fait que la nouvelle langue romane, tel le français qui commen-
- •§ 162. Suivant les règles de la graphie, on est fondé а orthographier un même mot de plusieurs façons différentes,
- •Poil de Ca'rotte
- •25717 Шèгаресêая h. A,
- •Voy'elles ||
- •Bibliographie
§ 21. L'orthoépie détermine l'emploi des sons et de Гае-cent dans la langue d'aujourd'hui. *
1. Le vocalisme inaccentué reste relativement invariable, les voyelles françaises ne perdant pas leur timbre dansla position atone, bien que leur caractéristique s'en ressente(voir § 22, 53). Ceci oppose le français а la langue russe dontle vocalisme inaccentué est relché au point que le russe neconnaît pas la voyelle Û dans la syllabe inaccentuée, аl'exception d'un nombre restreint de mots empruntés.
Fr. postal Û, commode Û, etc.—russe: ïîчтîûé [a], êîмîд [a].
Ce trait particulier peut être expliqué par la tension extrêmement grande de l'articulation française (voir ch. IV), par le caractère relativement faible de l'accent français et l'alternance rythmique des syllabes accentuées et non accentuées.
2. Le français moderne connaît certaines restrictions dansl'emploi des voyelles fermées et ouvertes et cela malgréle caractère phonologique de cette opposition. Ainsi, lesvoyelles ouvertes labiales Û, [æ] ne se trouvent jamais аla fin absolue du mot sous l'accent, elles y cèdent la placeа leurs oppositions fermées: tricoter—tricot [tniko'te—tBÎ'ko], ils peuvent—il peut [il 'pæ:v — il 'p0], ils veulent — il veut [il 'væl — il 'v0], dactylographe — dactylo[daktib'gKaf — dakti'lo], microphone — micro [mikKo'bn— mi'kBo].
Le phonème [e] n'apparaît jamais dans la syllabe fermée. Si la syllabe change de caractère, а la suite de l'a chute du e instable, la voyelle [e] passe а la voyelle ouverte [s] :
1 Ce manuel contribuant dans son ensemble а la description de la norme orthoépique du français, le présent chapitre se borne а exposer les lignes générales de l'orthoépie française par comparaison avec celle du russe.
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[e-ve-næ-md >e-vsnmd ] malgré la graphie — événement. Leplus souvent cette modification phonétique est reflétée dansla graphie du mot. Tel le mot avènement et toute la série demots du type fièvre qui avaient autrefois, а l'époque oщle e final était prononcé, le son [e] fermé dans le radical —fièvre [fje-VKæ]. La chute due instable amenant la modification du caractère syllabique du mot, ['fje-vKæ] a passéа ['fjevrl. Cf. son derive fiévreux qui a gardé le son fermé.La loi de position s'est constituée а l'époque de la normalisation du français ; elle se répand peu а peu, contribuantde la sorte а l'éloignement de plus en plus grand du françaisde son origine latine. Un nombre assez grand de mots, ayanteu étymologiquement une voyelle fermée, ont remplacé leson fermé au cours des siècles par la voyelle ouverte, ce quiest conforme а la syllabe fermée du français moderne : vïrï-dem > [vert ] > ['vein ]; crïstam > [kreste ] > [kre:tæ ] >
['kKs:t] ; mlttere>[mètre]> ['rnetr] ; vïginti>[vлni]>['vs], etc.
Par contre, une autre langue romane, l'italien, reste fidèle а son étymologie gardant les voyelles fermées du latin vulgaire dans la syllabe accentuée : [verde], [kresta], [mettere], [venti] : cf. it. ['venti] = = les vents. 1
3. Le timbre des consonnes sonores ne change pas considérablement а la fin absolue du mot. Ces consonnes gardent leur caractère sonore а la fin du mot : limonade [limo'nad], gaz ['ga:z], bagage [ba'ga:s], aube ['o:b], langue ['ld:gj, rive ['kî:v], etc.
Cette particularité de la prononciation française est due а l'articulation du français : observation nette des phases de l'articulation grce а la tension égale des muscles et la rupture nette des organes de la parole, la phonation achevée. En plus, la consonne finale (une consonne а tension décroissante, voir § 86) a la possibilité de redevenir une consonne а tension croissante grce а l'enchaînement au milieu du groupe accentuel et du syntagme (voir § 89), ce qui lui permet de garder son caractère sonore : envoyer les bagages а la consigne [d.vwa'je le ba'gas^a la ko/siji], une langue étrangère [yn Id.g^etK.'ssiK], etc. La longueur de la voyelle précédente ne contribue pas moins а conserver la sonorité de la consonne finale : ge, thèse, cave, terre — ['а:ç — 'ts:z — 'ka:v — Ъ:].
1 La syllabe atone de l'italien a subi plus de modifications ayant réduit les voyelles [e], [o] aux sons fermés.
42
4. Les consonnes du français sont peu sujettes а l'assimilation. Suivies de voyelles antérieures, elles restent plutôtdures, elles ne se mouillent pas facilement, ce qui devientévident, dès qu'on les compare aux consonnes russes dansla même position. Exemples — méthode [me'tod], type ['tip ],tube rtyb], décadence [deka'ddis], etc.
Ayant adopté ces mêmes mots français, le russe les a assimilés et soumis а ses règles de la prononciation : ['m'e-tat — 4'ip — 't'ub'ik — d'eka'dans].
5. L'accent du français est fix e, il frappe la dernièresyllabe du mot significatif, pris isolément : a'lier, démonstration. L'accent du russe est, par contre, libre : il peutaffecter n'importe quelle syllabe du mot, tout mot connaissant toutefois ses propres règles d'accentuation. L'accenttombe tantôt sur la syllabe initiale — 'лîжечêа, tantôt surla deuxième syllabe — сегîдня, tantôt sur la dernière —че'ра. D'autre part, l'accent russe est mobile, en ce sensqu'il peut frapper différentes syllabes d'un même mot quandcelui-ci change de forme grammaticale, par exemple, руêа —'руêè.
Dans la chaîne parlée, par contre, tout mot français peut perdre son accent. L'accent français se déplace а l'intérieur du groupe accentuel frappant la dernière syllabe du groupe. Pour ce qui est du mot russe, il garde toujours son accent dans la proposition (а quelques exceptions près qui ne font que confirmer la règle —'çа мîрем те'лушêа ïî'лушш...)
Vous voulez ? Voulez-'vous ? Vous ne voulez 'pas ? Voi'lа un crayon... Voi'lа un crayon 'rouge. En voi'lа un chapeau... Chapeau 'bas \ Cf. Хî'тèм! — Мû не êî'тèм стречаться.
§ 22. La norme orthoépique admet certains flottements dans la prononciation dus aux particularités du système phonologique du français. * Telles sont les variantes admises de la prononciation des mots dont la syllabe inaccentuée renferme des voyelles [s], [o] : automne [o/ton—o'ton], ], aujourd'hui [o^UK'dqi—03UK'dqi], effort [s'foiB— е'Гэ:ê], effaré [efa'ne — efa'ne], etc. 2
1 Toute langue connaît ses flottements а elle dans la norme orthoépique; tantôt ils touchent les sons (tel est le cas du français), tantôt c'estl'accentuation du mot qui s'en ressent, tel est le cas du russe, par exemple : мûшленèе — мûшленèе.
2 Le nombre d'exemples peut être multiplié. Voir V. Buben. Influence de l'orthographe sur la prononciation du français moderne. Bratis-lave, 1935; M. G ram mon t. La prononciation française. Delagrave,P., 1954, pp. 28, 42,
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Puisque remploi des voyelles ouvertes et fermées est conditionné bien souvent par leur position dans le groupe accentuel, ces voyelles changent de timbre dans la syllabe inaccentuée, oщ leurs variantes sont bien proches de leurs oppositions phonologiques, tel le [] dans le mot effort sous la forme de sa variante la plus fermée en raison de la position atone et de la syllabe ouverte. Sur les causes des flottements voir § 36—37.
§ 23. Tout en étant standardisée et unifiée, la norme orthoépique n'est pas pourtant homogène. La prononciation varie selon le but et les conditions de renoncé. Ces variations admises par la norme sont connues sous le nom de styles. La quantité de variations possibles est illimitée allant du discours soutenu, prononciation quasi syllabique, jusqu'а la négligence Ja plus complète.
L'académicien L. Scerba distingue deux styles : style soigné ou soutenu et style parlé ou familier. 1 Chacun de ces styles, а son tour, comprend plusieurs variétés, qui, fait regrettable, ne sont pas étudiées en détail.
D'autres linguistes proposent diverses autres classifications, que voici. P. Passy parle de quatre variantes de prononciation — prononciation familière (style moyen « qui paraît le mieux convenir а l'étude élémentaire et а renseignement»), prononciation familière rapide, prononciation soignée, prononciation solennelle. 2 P. Fouché en distingue quatre, lui aussi, mais il les classe d'une manière différente : le débit de la conversation familière, ceux de la conversation soignée, de la conférence et de la récitation des vers. 3 Dans sa conférence sur divers aspects de la prononciation parisienne, le professeur G. Straka, de l'Université de Strasbourg, décrit également quatre styles : prononciation populaire, prononciation solennelle et celle des vers classiques qui forment (la première et les deux dernières) deux pôles de la prononciation, et au milieu de l'échelle, G. Straka place la prononciation « de la bonne société », celle des gens ayant reçu une instruction, prononciation modèle. Celle-ci, а son tour, connaît une subdivision en conversation familière et conversation soignée. 4
Ces descriptions de divers aspects de la prononciation comprennent, toutes, certaines variations se trouvant en dehors de la norme orthoépique, telles que la prononciation dite familière rapide (P. Passy), la prononciation populaire (G. Straka). Le débit de la récitation des vers
1 Л. . Щерба. Ôîнетèêа ôранцуçсêîгî яçûêа. Èнîèçдат, M.,1953, § 21.
2 P. Passy. Les sons du français. Didier, P., 1913, pp. 9—10,126.
3 P. Fouché. Les diverses sortes de français au point de vue phonétique. «Le français moderne», n° 3, 1936.
4 G. Straka. La prononciation parisienne, ses divers aspects.«Bulletin de la faculté des lettres de Strasbourg», n° 5—6, 1952.
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n'est que convention et tradition, et ne constitue aucune variété stylistique de la norme littéraire.
Nous admettons la division en deux styles faite par L. Scerba. Le style soigné présente une prononciation standardisée, élaborée au cours des siècles, étudiée а l'école. On l'appelle autrement style syllabique (N. Pernot). l Cela veut dire qu'on prononce, en parlant, distinctement toutes les syllabes (а quelques exceptions près, par exemple, la chute du e instable au milieu des mots tels que acheter, appeler, dans la négation ne, l'article le et la préposition de entre deux consonnes, etc.). Le style soigné est celui du rythme ralenti très distinct, c'est le style des discours et des conférences. On le parle а des personnes peu connues dans les conditions d'un entretien officiel.
La récitation des vers classiques a pour base le style soigné, mais diffère de celui-ci par quelques traits conventionnels de la prononciation archaïque que voici : le maintien, voire même l'introduction du [e] dans la syllabe non accentuée— messieurs [me'sj0], lesquels [le'kel], fêter [fe'teï, aimer [e'me], mes [ma], des [de]... ; le respect de tous les e instables а la finale des mots aussi bien qu'а l'intérieur, excepté le mot final du syntagme ; l'observation de toutes les liaisons, la mise en relief de la durée vocalique, etc. Les vers composés а l'époque du classicisme observaient rigoureusement les règles de la syllabtion et du rythme des XVIe — XVIIe siècles. Citons quelques exemples :
Tous mes [e] sens а moi-même en sont encore charmés..., Il estime Rodrigue autant que vous l'aimez [h/me]..., Dis-moi donc, je te prie, une seconde fois... Non, j'ai peint votre cæur dans une indifférence...
(Corneille, « Cid ». Comédie-Française)
Je trouverai moyen de me venger^un jour...
...faites-la manquer*^ adroitement... v-
C'est for t^ amusant. (V. Hugo, «Marie Tudor ».TNP)
De nos jours la prononciation familière porte atteinte а la tradition classique de réciter les vers. En voici quelques exemples tirés du phonogramme du spectacle « Cid » (Comédie-Française) :
— Entre ces deux amants me pench' d'un côté...
1 N. Pernot. Exercices de prononciation française а l'usage des étudiants anglo-saxons. P., 1932, p. 7.
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Le roi peut а son gré disposer d' ma vie...
// a dit: «Je Г veux»', désobéirez-vous?...
Nouveir dignité, fatale а mon bonheur... 1
§ 24. Style parlé ou familier, c'est le débit au rythme plus ou moins accéléré, la langue qu'on parle а ses familiers, aux personnes de sa connaissance. Voilа quelques-unes de ses caractéristiques essentielles 2 :
1. La chute du e instable dans les conditions respectéespar le style soigné :
J(é) vais lire le journal... et m(e) reposer. — Tu m'entendras siffler l(e) chien. — Je port(e) rai la carnassière ?
Ote tes mains d'tes poches. — Y a-t-il beaucoup d(e)travail? — Е1Г m' défend c' qu'elle veut.3
Dans certains mots oщ la langue actuelle hésite entre[a] et [a], le français parlé a le plus souvent des préférencespour le [a]. Ainsi, on prononce avec la voyelle antérieuredes mots tels que — boîte ['bwat], goitre ['gwatr], etc.
Il survient des modifications considérables dans l'articulation labiale du français parlé. D'une part, la labialisationtend а s'implanter dans les voyelles postérieures en affectantle [al postérieur et surtout le [a], les seules voyelles ayantété jusqu'а une époque récente non labialisées parmi les phonèmes postérieurs. D'autre part, elle perd du terrain dans lesvoyelles antérieures nasales : le caractère labial du [6e] devient tellement faible surtout dans la région parisienne, qu'ilse confond avec le [i]. Il s'ensuit que la série antérieure desvoyelles nasales tend а devenir non labiale et la série postérieure, par contre, devient labiale.
La réduction des groupes de consonnes — loi phonétique stable qui régit le français depuis l'époque de sa formation, et que connaissait le latin populaire 4 :
1 «M. Vendryes a montré plaisamment que la prononciation actuelledu français permettait d'allonger ce vers de trois mots sans augmenter lenombre de syllabes: «Donn' lui tout a'même* а boir' un' goutt* d'eau,dit mon père. » Ch. Bail y. Linguistique générale et linguistique française. 2e éd., P., p. 277 (il s'agit de la poésie de V. Hugo «La bataille»).
2 A consulter: A. Sauvageot, Français écrit, français parlé.P., 1962, pp. 152—163.
3 Le phonogramme du spectacle de la Comédie-Française «Poil deCarotte» (de Jules Renard).
4 Cf. ... miles non milex (197, 28). ansa non asa (198, 9), auctornon autor (198, 30), — Appendix Probi, Grammatici latini ex rec.H. Keilii (le premier chiffre renvoie а la page du livre, le deuxième indique la ligne).
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Ça, i(l) (n)'y personne. 1(1) y a plusieurs moyens. Qu'est-ce qu'i(l)s avaient de neuf? 1(1) fait sa sieste... Pa(r) ce que la clef de la cave... (« Poil de Carotte »). Pa(r) ce que pour Vanglais i(l) y a un problème..., i(l)s existent... 1
Cependant le fonctionnement de cette loi diffère quelque peu de sa réalisation а l'époque romane. Aujourd'hui la réduction atteint les sonantes (r, 1) qui appartenaient autrefois aux consonnes les plus stables (voir aussi plus bas, point 5). Il s'agit donc d'une loi phonétique qui dure а travers les siècles tout en modifiant, néanmoins, а différentes périodes du développement de la langue, son caractère, frappant а différentes époques divers éléments de la langue (а l'époque romane c'étaient les consonnes n, s, k, qui subissaient ce traitement).
La réduction des groupes de consonnes provoque la chute de la première consonne du groupe, consonne а tension décroissante, ce qui contribue а la stabilisation de la syllabe ouverte malgré l'affaiblissement du [æ].
Ce phénomène phonétique peut être gros de conséquences pour le système grammatical du français. Il atteint en style parlé la négation française qui perd peu а peu son premier élément ne (elle viendra pas, j'ai pas peur, etc.), aussi bien que certains tours impersonnels, tels que il faut>faut, il vaut mieux> vaut mieux, et autres. Par exemple : Y a la retraite ; izont des bloudjinnzes ; alors quoi, i va pas se décider ; i parle pas ; etc. (R.Queneau, « Zazie dans le métro »). 2
5. L'assourdissement et la chute des sonantes r et 1 dans les groupes inséparables « muta cum liquida » (occlusive plus sonante r ou 1) а la fin du mot se trouvant au milieu du syn-tagme, devant un autre mot commençant par une consonne, ainsi qu'а la fin du syntagme. Le processus a dû commencer par la réduction des sonantes après une occlusive sourde grce а l'assimilation progressive (groupes -tr, -cl, -pi). De nos jours il a atteint tous les groupes indivisibles et se fait entendre même dans la prononciation des speakers а la radio :
— Et vot1 malle ? Vous avez vot' bulletin ? 1(1) y a aut* chose. ... moind' prétexte, ... prend1 par la main...
1 Les exemples qui n'ont pas de références ont été recueillis parl'auteur lors de son séjour en France.
2 H. A. Шèгаресêая. Îчерêè ïî сèнтаêсèсу сîременнîéôранцуçсêîé раçгîîрнîé речè. ЛГУ, 1970.
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je voulais me pend9 ... pauv* petit monsieur... (« Poil de Carotte»). * Pas autt chose, c'est pas croyab, c'est pas possib, elle empeste voit lingerie. (R.Queneau, « Zazie dans le métro »).
L'épenthèse de la sonante constrictive [j] entre deuxvoyelles dont la première est fermée (souvent toutes les deuxsont fermées) : tablier [tabli'je], ouvrier [uvBi'je], oublier[ubli'je], crier [kin'je], riait fei'je], etc.2
Un certain nombre de consonnes finales apparaissenten français parlé, surtout dans les adjectifs numéraux (dansles dates, dans les comptes) et dans quelques monosyllabes :le neuf mai [læ næ 'me] — [læ næf 'me], cinq franc [si'fret] — [ss.k 'fKd], le but [læ 'by] — læ 'byt], émet [eg'za]— [eg'zakt], le fait [læ 'Û — [læ 'fet], etc.
Le style parlé réduit au minimum les liaisons — restesde la prononciation d'autrefois. La langue familière gardepour la plupart les liaisons а fonction grammaticale du pluriel : leurs^amis, ils^ avaient, de grandes villes^ européennes.La plupart des autres liaisons sont évitées, excepté la liaisonentre la préposition ou l'article et le nom, et quelques autres(voir § 110—111) :
C'est = un exercice pour moi. A la maison c'est = un homme préoccupé. Tout le monde ne peut pas = être orphelin. C'est = elle qui le lui a défendu. (« Poil de Carotte »). Pas = en sanscrit ; les études ont = été faites, etc.
9. L'apparition d'un accent supplémentaire а la syllabeinitiale du mot significatif contribue а la mise en relief dudébut du mot français :
— Nous allons "commencer а ''travailler..., tu es "décidé de bien "travailler?... sera "dirigé par le jeune chef (phonogramme du film «Prélude а la gloire»). Faire "disparaître notre "raison "d'exister, il y a une "métaphore, etc. 3
10. La dilation vocalique (harmonie ou harmonisation vocalique) fait fureur dans le style parlé (voir § 101, 105). Les formes du style soutenu s'opposent nettement а celles du style familier :
affaisser [afs'se] — [afe'se] affaiblir [аЬ'Ûêê] — [afe'blin] aider [e'de] — [é'de]
amaigrir amsgBKK
déchaîner [deje'ne] — [deje'ne].
§ 25. Les changements dans la norme orthoépique commencent par les modifications phonétiques du style parlé. Se répandant de plus en plus, celles-ci envahissent le style soigné. C'est alors que change tel le ou telle règle de la prononciation et la norme littéraire se trouve modifiée. Cf. [oi> >ws>wa] en langue dite populaire du XVIIe siècle qui est devenu un fait de la norme orthoépique au XIXe siècle.
Puisque ces changements n'atteignent pas toutes les règles а la fois, la prononciation en entier ne se modifie pas а vue d'æil. Ceci assure la compréhension mutuelle des générations.
Il existe une autre source de modifications de la prononciation. C'est l'influence de la graphie1. La voilа, la cause du grand nombre de géminées en particulier, qui se font entendre de plus en plus souvent dans le parler des speakers а la radio — illégal, illimité, illusion, Hollande, irrégulier, et même — aller, mollets, etc. C'est aussi l'influence de la graphie qui provoque l'apparition ou la restitution des consonnes finales dans les monosyllabes : le fait ['fet], le but ['byt], plus ï'plys], etc.
1 Cf. les changements dus а la graphie, au cours des XVIIe—XIXe siècles — che(p)tel > cheptel, su(b)til > subtil, a(d)venir > advenir, etc.
1 Cf. la transcription du groupe «II n'y a qu'а la battre» — Yaqualabatte, donné par H. Bazin, «L'huile sur le feu», p. 52.
2 Voir: N. Per no t. Exercices de prononciation française а l'usagedes étudiants anglo-saxons. P., 1932. Le style soigné admet souvent cetteprononciation.
3 L'accent supplémentaire du début du mot apparaît également dansle style soigné, spécialement dans le style oratoire.
48
4 Шèгаресêая H. A.
Chapitre III
Phonétisme dû français
§ 26. Le caractère particulier du phonétisme d'une langue se manifeste dans la quantité des phonèmes, leur qualité — les oppositions phonologiques et les caractéristiques phonétiques— et leurs combinaisons possibles.
Le nombre de phonèmes est assez restreint, variant de30 а 50 dans les langues occidentales. Les langues connaissent différentes proportions entre les voyelles et les consonnesqui tantôt présentent un équilibre relatif, soit en français —15 voyelles et 20 consonnes, en anglais — 21 voyelles et 25consonnes ; tantôt constituent un système oщ la richesse enconsonnes supplée а la pauvreté relative des voyelles, soiten russe — 6 voyelles et 37 consonnes, en espagnol — 5voyelles et 25 consonnes.
Les variétés qualitatives des sons d'une langue sontfort nombreuses, néanmoins elles ne présentent pas toutesdes caractéristiques pertinentes а valeur phonématique. Ainsi, le russe connaît 4 variétés phoniques du phonème [e]allant du plus fermé dans le mot cerna, entre deux consonnesmouillées, jusqu'au plus ouvert dans les mots цеï, эта, toutes les quatre ne comportant pourtant qu'une seule valeurphonologique, celle du phonème [e]. Par contre, en français,les mêmes variétés phoniques constituent des oppositions pho-nématiques qui sont а la base de deux phonèmes — [e] fermé et [e] ouvert : le dé — le dais [de — de].
La diversité des systèmes phoniques se réalise donc en différentes oppositions phonématiques utilisées dans les langues. Tel, par exemple, le russe qui emploie largement l'opposition « consonne dure — consonne mouillée » inconnue du français, tandis que la langue française utilise dans le vocalisme plusieurs oppositions phonématiques que le russe ne connaît pas : voyelle orale — voyelle nasale, voyelle antérieure non labiale — voyelle antérieure labiale, etc.
Il y a autre chose aussi dans la caractéristique qualitative des phonèmes qui relève de la base articulatoire d'une langue (voir ch. IV). C'est que l'aspect phonétique d'un même phonème en différentes langues peut revêtir un caractère particulier, ce qui n'amène pas forcément une faute de compré-
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hension, mais donne tout de même un accent étranger а la prononciation. Soit, par exemple, les consonnes nasales [m, n] qui existent dans les deux langues, le russe et le français : dans la prononciation d'un Français elles sont explosives, а la fin du syntagme, tandis que le Russe les fera toujours mourir en cette position — elles sont plutôt implosives. Ou bien le phonème postérieur [u] étant beaucoup plus avancé en français qu'en russe, etc.
Dans la chaîne parlée les phonèmes composent desgroupements variés qui présentent, eux aussi, certaines particularités. Il y a des groupements qui existent dans plusieurslangues, par exemple, [st, rt, tr] en français et en russe, etc.Il y en a d'autres qui sont fort rares et même proscrits danscertains idiomes. Soit les combinaisons [rm, tk, rg], etc.ne se trouvant jamais en syllabe initiale dans la langue française, sauf quelques emprunts, et rarement а l'intérieur desmots. Le français parlé évite de même la rencontre de deuxvoyelles dont la première est une voyelle fermée, il en résultel'épenthèse de la consonne [j ] : ouvrier [uvKi'e>uvKi'je](voir § 93 g).
Parmi les sons français, il y a ceux qui évitent certaines positions, tels que le [ji ] ne se trouvant jamais au débutdu mot dans la langue littéraire, les [q, w] — а la fin, lesvoyelles [o] et [æ] — dans la syllabe ouverte accentuée, etc.
§ 27. Le phonétisme français comprend deux grandes classes de sons distinctes : voyelles et consonnes. Pour délimiter ces groupes de phonèmes, il existe plusieurs critères et notamment les critères : physiologique, acoustique et phonématique. Il y a lieu de tenir compte de tous les trois pour arriver а déterminer les limites entre ces classes de sons dans différentes langues.
Quand on articule une voyelle, les organes de la parole sont tous tendus d'une façon plus ou moins régulière, la tension musculaire n'étant pas localisée. C'est par ce caractère physiologique particulier dit tension répandue que les voyelles diffèrent des consonnes, celles-ci se caractérisant par la tension localisée. Il suffit de comparer deux phonèmes fort semblables, la voyelle [i ] et la consonne [j], pour constater que le point d'articulation de la consonne se trouve entre la partie médiane du dos de la langue très haut levée et le milieu du palais dur. C'est entre ces organes que se forme le bruit caractéristique de la sonante [j], tandis que pour la voyelle [i ] tous les organes phona-
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teurs — la langue, le bout et le dos, les commissures des lèvres, les muscles des joues, etc. — sont plus ou moins également tendus, sans qu'aucun d'eux puisse être considéré comme le point d'articulation. Aussi est-il bien difficile de déterminer exactement l'articulation d'une voyelle. Ce critère a été avancé par Baudouin de Courtenay. ' Pour les consonnes, il se produit un rapprochement des organes de la parole et même une occlusion ce qui constitue un obstacle considérable au passage de l'air par les cavités de résonance. Pour les voyelles, par contre, la voie buccale est plus ou moins libre. Pourtant la présence de l'obstacle n'amène pas forcément l'effet consonantique du fait que certaines voyelles fermées, telles que [i], [y] sont articulées avec le dos de la langue levé vers le palais dur. L'essentiel, c'est la force de la colonne d'air expiré des poumons ou bien la dépense totale de l'air (Rousselot). Elle est moins grande pour 1 les voyelles et plus grande pour les consonnes, surtout pour les consonnes sourdes 1.
§ 28. Du point de vue acoustique toute voyelle est un ton musical par excellence 2, alors que toute consonne est un bruit auquel peut s'ajouter le ton musical. Parmi les, con-so~nnes il y a quelques çhonèmes dans lesquels le ton musical domine et qui forment 'par cela même une classe de sons intermédiaire entre les consonnes et les voyelles. Ce sont les sonantes. Or, leur caractère physiologique et syllabique relevant nettement du type « consonne », les sonantes sont rangées parmi ces dernières (voir § 29).
§ 29. Du point de vue phonématique une voyelle forme toujours une syllabe, c'est un son syllabique par excellence. Toutes les voyelles en français sont donc syllabiques. Par contre, les consonnes françaises ne constituent pas а elles seules des syllabes а l'exception de quelques interjections — pst /... ou onomatopées — frrt ! etc. Néanmoins il y a des langues dans lesquelles une consonne est susceptible d'organiser la syllabe, par exemple, les sonantes en langue tchèque : Dr~da, Hrd-litcka, etc. Ну en a d'autres qui l'admettent dans le style parlé, telle la langue russe, par exemple — ру-бль.
1 M. È. Матусеèч. еденèе îбщую ôîнетèêу, 2-е èçд.,М., 1948, стр. 34—35; Л. Р. Çèн дер. Îбщая ôîнетèêа, ЛГУ, Л.,1960, § 96-97, 104—105.
2 D'après les dernières recherches dans l'acoustique, il paraît queles voyelles ne sont pas exemptes de bruit.
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