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§ 5 . TEXTES POUR REDIGER UN COMPTE RENDU

En Chine ou aux Etats-Unis, la lutte contre les parasites pas­ se par de severes cock­ tails d’antibiotiques, dont l’usage est interdit en France. Mais, au dire d’experts et de professionnels, certains apiculteurs les utilisent illegalement. Pour eviter ces derives, les centres de recherche, appuyes par des aides europeennes, tentent done de percer les mysteres du declin. Mais la aussi,

entre les pesticides et les virus, les objectifs font debat...«Lamoitie des fonds europeens est destinee a la recherche sur le phytosanitaire, regrette Philippe Lecompte, president du reseau Biodiversite pour les abeilles, les parasites sont les grands oublies. On se trompe de combat!» En attendant, le scenario d’un monde sans

abeilles est de moins en moins incongru. Les apiculteurs britanniques l’ont deja predit (sur leur lie)... pour 2018. Un catastrophisme sans doute exagere, mais qui traduit 1’urgence d’une reponse adaptee.

Thomas Saintourens L’EXPRESS

T E X T E 15***

MONTESQUIEU EN HOMME HEUREUX

u lycee, Montesquieu n’est pas dans les

pagnie ? La faute, un peu, me semble-t-il,

ecrivains chouchous des professeurs et

a quelques predecesseurs de Jean Lacouture

des eleves. On l’evite ou on l’enjambe ra-

qui n’ont pas su comme lui tracer le portrait

Rpidement. Il a la reputation d’etre austere, difd’­un homme que son intelligence exception-

ficile, vieillot. Il parle des gouvernements, des

nelle ne coupait pas du monde et de ses plai-

lois, du bien public, des societes, de la liberte,

sirs, mais qui, au contraire, savait у frotter sa

toutes notions qui ne sont pourtant pas hors

sensibilite et у fatiguer ses ardeurs d’honnete

de notre usage. On oublie qu’il a joyeusement

homme.

persifle (Lettrespersanes) avant de magistrale-

Le biographe-journaliste avait deja reussi

ment philosopher sur la politique (De Vesprit

son coup avec Montaigne, nous introduisant

des lois). Et qu’il a laisse un troisieme chef-

chez lui avec erudition et amitie. Mais ce com­

d’oeuvre (Mes pensees), epatant fourre-tout

merce par-dessus les siecles etait probable-

d’observations, d’anecdotes, de reflexions, de

ment plus complique avec Montesquieu, dont

souvenirs, de brouillons.

les oeuvres ne sont pas celles d’un egotiste.

Pourquoi, done, cette image un peu rebar-

Pourtant ce don que possede Jean Lacouture

bative de Montesquieu alors qu’on sort de sa

de meler la connaissance la plus complete et la

biographie, par Jean Lacouture, ravi d’avoir

plus profonde de son sujet a l’emploi d’un ver­

passe quelques heures en sa seduisante com-

be clair, elegant, enjoue, chaleureux, fait une

173

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nouvelle fois merveille. D’ailleurs, 1’ouvrage se termine par un double eloge —et une di­ gression sur leur filiation —de « 1’auteur des Essais, chatelain de la rive nord de la Dordo­ gne, et celui de L’esprit des lois, seigneur de la rive sud de la Garonne ». Par paranthese, pour les lecteurs qui ne sont pas des familiers de 1’Aquitaine, une carte qui aurait situe « nos deux glaneurs de sagesse », en particulier les chateaux, maisons et proprietes de Montes­ quieu, eut ete bien utile.

Car Charles-Louis de Secondat, baron de la Brede et de Montesquieu, avant d’obtenir la gloire avec des mots, a vecu du revenu de ses terres, principalement de ses vignes plantees, heureux homme, dans les Graves. C’etait un paysan de race, un proprietaire avise. Il a contribue au prodigieux essor du vin de Bordeaux et —meme s’il n’a pas invente le marketing —il a profite d’un long voyage en Europe, surtout lors de son sejour en Angleterre, premier client de la Guyenne, pour pla­ cer ses barriques aupres des relations celebres et influentes.

Veut-on lui interdire de planter, d’agrandir son domaine —deja la surproduction! —qu’il tempete et argumente si bien que l’administration doit s’incliner. II n’a de cesse, tout en s’instruisant du travail de la vigne, de moder­ niser, d’ameliorer, de bonifier.

Aux vendanges il est la. Il у prend plaisir. Il parle le patois des vignerons. Il est aussi a l’aise dans ses vignes que dans sa bibliothe­ que. « Ainsi voit-on s’epanouir, ecrit Jean Lacouture enthousiaste,jusqu’aux demiersjours du grand homme, cette libido terrienne et sur­ tout viticole, qui aura ete l’une des composantes majeures du personnage et fonde, mieux que tel titre ou telle dignite, ou tel emploi pu­ blic, le caractere feodal de ce grand sourcier de libertes.»

Oserai-je un bemol ? Tous les printemps et tous les etes, il etait a Paris. Il ne revenait dans ses domaines que pour les vendanges. Le raisin se formait et murissait loin de lui. Qualifierait-on de pere attentif celui qui ne reviendrait au logis familial que pour le mariage

de ses enfants ? Ses textes sur le plaisir de deguster, de comparer, n’existent pas, sinon son biographe, amateur eclaire et chantre des vins de Bordeaux, les eut cite. Montesquieu jouissait probablement plus du plaisir de posseder d’excellentes vignes que du plaisir de boire et de parler de son vin.

Jean Lacouture ne peut pas dire mieux, en si peu de mots, quand il ecrit que Montesquieu s’estimait « bien ajuste a la vie ». Il 1’etait, en effet, avec finesse. Un homme heureux, voila tout, en depit de quelques ambitions deques et d’une fin de vie rendue opaque par la cecite. Si le succes de ses livres, la causticite de ses amis persans et la tranquille audace de ses re­ flexions politiques lui ont valu des jalousies, des remontrances de la monarchie et de la papaute, et meme quelques cabales, rien de bien grave, au total. De quoi, au contraire, ajouter a sa gloire. Pas de quoi lui refuser l’entree des salons ou il fallait etre diablement parisien — c’est-a-dire, en ce temps-la, savant, philosophe, brillant, paradoxal, amusant —pour faire oublier son indecrottable accent gascon et sa legendaire etourderie.

Des femmes il usa, avec realisme. Il epousa la fille d’un proprietaire de l’Agenais. Pas belle, legerement claudicante, protestante, mais dotee de 100 000 livres. Elle eut tout le loisir, elle, de surveiller 1’etat sanitaire des vignes pendant que Charles-Louis, a Paris, nouait des intri­ gues amoureuses avec des princesses et des comptesses. De l’une on ne sait pas son nom, avec une autre on ne connait pas Tissue. Mais a toutes il envoyait des lettres splendides dont il faisait d’abord un brouillon qu’il conservait.

Voila pour les petites histoires d’une exis­ tence qui en compta beaucoup d’autres et dont le meilleur fut tourne vers la lecture, l’observation des moeurs, Tanalyse des systemes po­ litiques et des lois, et enfin Tecriture. Admi­ rable ecriture, toute de justesse, d’economie, de rapidite, d’efficacite, avec laquelleJean La­ couture nous presse, par Tenvie qu’il donne, de renouer.

Bernard Pivot

LeJournal du Dimanche

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§ 5 . T E X T E S P O U R R E D I G E R U N C O M P T E R E N D U

T E X T E 1 6 * **

F R A N C E

LE TTR E O UVERTE AUX LYCEENS EN COLERE

PAR JACQUES MARSEILLE

« Professeurs, vous nous faites vieillir », s’ecriaient en Mai 68 les etudiants en revolte contre les bastilles du savoir et contre les bureaucrates syndicaux. « Sauvons les postes » supprimes au budget de 2008, tel est aujourd’hui le mot d’ordre des lyceens defilant bras dessus, bras dessous avec les enseignants militants du SNES, de FO, de la CGT et de SUD. Des lyceens emmenes par de jeunes tribuns qui viendront renforcer les cabinets politiques de la gauche sociale-democrate et finiront leur carriere sur les bancs capitonnes du Senat.

Que la responsable de la FIDL (Federa­ tion independante et democratique lyceenne) deplore, a l’issue d’une rencontre avec Xavier Darcos, « un vrai blocage sur la question des suppressions depostes » en dit assez sur la nouvelle forme du dialogue social que s’impose un ministre, la desesperance d’une jeunesse qui a troque ses utopies contre des calculettes et l’etat d’un pays qui jette dans la rue sa jeunesse pour ne pas risquer d’augmenter le nombre d’eleves par classe !

Certes, on pourrait louer l’opportunisme de ces jeunes lyceens qui ont sans doute compris, par l’experience de leurs alnes, que les heures d’enseignement perdues dans les greves et les manifestations etaient chaque fois compensees par de meilleurs resultats au bac. A cet egard, la cuvee CPE de 2006, avec ses semaines de cours annulees, avait affiche les meilleurs resultats au bac depuis... 1968. Nul doute que si elles se prolongent apres les vacances de Paques, les journees d’action devraient battre ce record et demontrer, paradoxalement, que moins il у a d’heures d’ensei­ gnement assurees, meilleurs sont les resultats! Une statistique que devrait afficher le ministre a la porte de tous les lycees tant elle demontre

aux eleves comme a leurs parents que faire des economies sur les heures et les postes s’avere en fait un investissement gagnant.

L’ecole vue comme un couloir sans portes de sortie

Reste, plus serieusement, que ces journees d’action traduisent avant tout —et c’est leur caractere tragique — la perception que les jeunes Frangais ont de leur present et de leur avenir. Quarante ans apres Mai 68, une etude comparative realisee aupres de 20000 jeunes en Europe, aux Etats-Unis, en Chine, en Inde, en Russie, a Taiwan et au Japon revele que les jeunes Frangais sont les plus pessimistes de la planete (« La jeunesse face a l’avenir », Fondation pour l’innovation politique, 2008). Redoutant la mondialisation plus que tous les autres —20% seulement estiment que la mon­ dialisation apporte de nouvelles opportunites —, ils ne sont que 26% a estimer que leur ave­ nir personnel est prometteur et 27% a penser qu’ils auront un bon travail dans l’avenir. Alors que 60% des Danois et des Americains, 54% des Chinois et 52% des Indiens collectionnent les medailles d’or de l’optimisme. Ce sont aus­ si 54% des jeunes Frangais qui pensent que le regard pose sur eux par les autres est deter­ minant dans leurs choix professionnels, alors que seuls 9% des Finlandais sont dans ce cas. Comme s’ils voyaient l’existence tel un couloir sans portes de sortie. Comme si, obsedes du classement et du bac, que tous ceux ou presque qui s’y presentent obtiendront pourtant, ils voyaient l’ecole non pas comme un lieu de formation mais comme une machine a classer. Ainsi, seulement 20% des professeurs de fran­ gais, de mathematiques et de sciences jugent important que les eleves soient capables de penser de fagon creative, alors que, parmi les

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pays qui reussissent le mieux, ce pourcentage depasse 80%.

Depenser moins, synonyme de former mieux. Terrible essoufflement d’un systeme educatif qui fait du nombre de postes a pourvoir le seul critere de la performance quand tout demontre en la matiere que depenser moins est le plus souvent synonyme de former mieux. Terrible faillite d’un « modele frangais » qui souffre d’une crise de confiance sans prece­ dent. Comme le revele encore cette minutieuse enquete, ce sont les jeunes Frangais qui manifestent le plus de defiance a regard du gouvernement, des medias, des societes multinationales, des gens en general, de la justice et des institutions religieuses. A cet egard, I’ecart de score entre la Finlande, en tete du classement (avec 73 points), devant le Danemark (64), les Etats-Unis (61) et la France, qui pointe a la demiere place avec 23 points, illustre ce di­ vorce specifiquement frangais entre le peuple, celui des jeunes en l’occurrence, et ses elites.

A cet egard, ces defiles derisoires de lyceens en colere soutenant les plus archalques des syndicats pour la defense de rentes de si­ tuation montrent a quel point la France est engagee dans un cercle vicieux dont les couts economiques et sociaux, considerables, seront in fine payes par ces memes jeunes conditionnes a penser que leur avenir est lie au nom­ bre de postes a pourvoir! Faut-il leur preciser qu’avecun taux d’encadrement de 1enseignant pour 10,5 eleves la France a le taux le plus fort d’Europe, devant les Etats-Unis (15,5), l’Allemagne (15,1), le Royaume-Uni (14,4), le Japon (14,1) et la Finlande (1-3,1) ? Faut-il ajouter que, si Ton rapportait le taux frangais d’encadrement au taux finlandais (l’Etat qui, selon l’OCDE, enregistre les meilleurs resultats educatifs), ce serait 100000 postes d’enseignement qu’on pourrait supprimer pour une meilleure reussite ? Faut-il leur rappeler qu’avec des depenses d’education qui ont augmente de 50% au lycee en euros constants de-

§ 5 . TEXTES POUR REDIGER UN COMPTE RENDU

puis 1990, sans hausse des effectifs —ce qui la place au niveau des pays qui depensent le plus —, la France regresse d’annee en annee dans les classements internationaux ? Publiee en decembre 2007, 1’enquete intemationale Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des eleves), realisee dans 57 pays representant 90% de l’economie mondiale, montre que les competences des eleves fran­ gais de 15 ans se situent desormais au-dessous de la moyenne des 30 pays de 1’OCDE. Consaсгё aux competences des eleves de 10 ans, le rapport PIRLS 2006 (Progress in Internatio­ nal ReadingLiteracy Study), realise dans 40 pays par l’Association intemationale devalua­ tion (AIE), classe la France au 27e rang. Pis, la joumee d’appel de preparation a la Defense nationale a montre, en 2005, que seulement 79,6% des jeunes Frangais de 18 ans etaient des « lecteurs efficaces », capables de com­ prendre un texte d’une certaine complexite, et que 60,5% seulement etaient vraiment a l’aise avec l’ecrit.

Moins d’heures d’enseignement —entre 7 et 14 ans, un eleve frangais regoit en moyenne 7500 heures de cours, contre 5500 en Finlande —, pas de redoublement —la France est championne du monde du redoublement —, moins d’options, un enseignement resserre autour de quelques disciplines, telles sont les cles de la reussite des modeles educatifs performants. Ce sont pres de 40% des enfants frangais qui, a 15 ans, declarent avoir redou­ ble au moins une fois, contre moins de 3% en Suede, au Danemark, en Finlande ou en Coree, les pays qui affichent une nouvelle fois les meilleures performances. Un cout de l’ordre de 2 milliards d’euros gaspilles en pure perte.

Une selection sociale sans pitie. Faut-il surtout rappeler aux jeunes lyceens en colere que leur systeme educatif si dote en postes d’enseignants pratique en fait une selection sociale sans pitie dont ils sont les premieres victimes ? A l’ecole primaire, 3% des enfants d’enseignants redoublent, contre 41 % pour les enfants d’inactifs. A l’entree en sixieme, 94% des enfants de cadres sont « a l’heure »

ou en avance par rapport a leur annee de naissance, contre seulement 67% des ouvriers. Ces memes enfants d’ouvriers sont presque trois fois plus nombreux que les enfants de cadres en sixieme, mais deux fois moins nombreux en terminale scientifique. Depuis 1976, la pro­ portion d’enfants d’ouvriers titulaires du bac scientifique s’est reduite de 11% a 5%. Dans Jbs annees 50, les enfants d’origine moyenne ou superieure avaient 24 fois plus de chances que les enfants d’origine populaire d’entrer dans l’une des quatre grandes ecoles les plus prestigieuses. Ce pourcentage est aujourd’hui le meme, amenant Claude Thelot a ecrire: « L’examen du haut de la pyramide scolaire est revelateur de Vampleurpersistante des differen­ ces sociales ».

Faut-il enfin rappeler qu’a composition comparable toutes les etudes montrent que les classes de 25 ou 30 eleves ont, dans l’ensemble, de meilleurs resultats que les classes de 15 ou 20 eleves ? Dirige par Claude Thelot et Christian Forestier, le Haut Conseil de reva­ luation de l’ecole ecrit ainsi, dans son rapport de 2007: « S’il semble exister un effet positif relativementfaible de la reduction des effectifs des classes, c’est uniquement dans les petites classes de Venseignement primaire et seulement pour les enfants des milieux defavorise's ».

Autant de chiffres qu’il faudrait presenter aux lyceens pour les amener a s’interroger sur le sens de leur « combat » et sur la dette qu’ils ; auront a payer pour solder la lachete de ceux qui les entrainent dans ces luttes d’un autre age. Bizarrement, quand on pose la question aux jeunes du monde entier de savoir s’ils sont prets apayerpour lesgens ages, 64% desjeunes Chinois repondent positivement, comme 56% des jeunes Russes et 50% des jeunes Indiens. En extreme queue du classement, les jeunes Frangais ne sont que 11% a vouloir financer la retraite des anciens soixante-huitards. Ce sont sans doute ces 11% qui battent aujourd’hui le pave pour sauver les 11200 postes supprimes au budget de 2008.

Le Point

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T e x t e 1 7 * * *

DEM OCRATIE ET POUVOIR M EDIATIQUE

PAR YVES CHARLES ZARKA

omment les medias sont-ils devenus un pouvoir, probablement le plus grand des pouvoirs ?

Comment l’effet qui en resulte sur Pesprit democratique —le regne de la mediocrite et la mise en place de formes rampantes de despotisme —s’est-il institue ?

Les medias sont devenus Pun des lieux majeurs oil se joue Pavenir de la democratie. Tocqueville, Pindepassable penseur de la de­ mocratic moderne, montre dans La Democratie en Amerique, que la societe democratique est constamment conffontee a une redoutable al­ ternative entre la liberte et la servitude.

Si l’on prolongeait cette redoutable alterna­ tive, que Tocqueville limitait au plan politique, pour rendre compte du role des medias dans les sodetes democratiques, on pourrait dire que les medias sont des agents directs du gout de­ prave pour l’egalite, c’est-a-dire de l’egalite au plus bas niveau possible. C’est Pune des raisons du caractere considerable d,e leur audience et de leur capadte a porter la democratie vers la servitude plutot que vers la liberte.

Pour rendre compte du role des medias et de leur influence sur les sodetes democrati­ ques, il importe d’examiner trois niveaux:

—celui des drcuits economiques, des mecanismes depouvoir et des procedures de controle qui mettent en place des strategies de captation et de manipulation de Popinion;

—celui proprement mediologique du mode par lequel le vehicule ou Pinstrument mediatique transforme le contenu qu’il communique ou transmet. Les medias ne laissent pas intact ce qu’ils mediatisent, ils le selectionnent, le modifient, le transforment dans des proportions qu’on a peine a imaginer, et cela dans tous les domaines de la sodete, de lapolitique, mais aus­ si de la culture (science, litterature, philosophie, etc.). Cette transformation se realise selon deux voies: la negation de l’oeuvre dans le produit et Petablissement du divertissement comme norme pour evaluer les creations culturelles;

—celui de la seduction et de la capture du public, c’est-a-dire les modalites du controle et de l’augmentation de l’Audimat. C’est ici le plan d’une analyse sorio-anthropologique qui pour­ rait montrer comment les medias adherent a des tendances existantes de la societe democratique pour les porter dans le sens d’une egalisation au plus bas, au plus trivial et au plus vulgaire.

Je ne dis pas que les medias, en eux-memes et en general, font courir un risque a la demo­ cratie. Je dis que les medias doivent etre soumis aux principes de la democratie, non Pinverse. Ce ne sont pas les medias en general queje critique mais leur constitution en pouvoir, et meme en ; pouvoir illimite, leur domination de l’espace public, leur fonctionnement autoreferentiel, qui affecte et degrade les libertes individuelles et collectives, aussi bien que les oeuvres de la culture, plus largement ce que j’appelle Pesprit de la democratie.

Il importe de faire des distinctions; la ; presse, la radio et la television n’ont pas le meme statut. Ces divers moyens different a la ; fois par les contenus qu’ils peuvent vehiculer, par leur audience et done par leur capacite a agir sur Popinion. Mais on ne peut pas non plus etablir des distinctions absolument tranchees. D’abord, sur le plan des reseaux d’influence et des mecanismes de pouvoir, ce sont souvent les meme acteurs mediatiques que l’on repere dans la presse, a la radio et a la television. Journalistes, politiciens, hom­ ines de culture ou de pseudo-culture circulent d’un organe a l’autre, d’un espace a l’autre, et constituent une caste fermee qui ne congoit de debat qu’entre ses membres, lesquels promeuvent mutuellement leurs productions (livres, films, emissions diverses, etc.), quelque insignifiantes qu’elles soient.

Cette caste mediatico-poiltico-culturelle ne se reproduit que par cooptation. C’est elle qui conjugue la reverence des puissants, la pru­ dence devant l’argent, le conformisme et les connivences. Parmi les medias, la television est

§ 5 . T E X T E S P O U R R E D I G E R U N C O M P T E R E N D U

devenue tres rapidement hegemonique, c’est elle qui donne le ton. Enfin, les medias comportent un certain nombre de modalites de fonctionnement qui leur sont communes. On considere generalement que la pluralite des me­ dias et la concurrence qu’ils se livrent sont des garants a la fois de la diversite de l’information et de la possibilite pour des individus de se for­ mer par eux-memes une opinion autonome. Est-on cependant si sur que la pluralite et la concurrence aient necessairement cet effet de diversification ?

L’Audimat, qui est, pour reprendre une expression de Pierre Bourdieu, le dieu cache de l’univers des medias, induit les acteurs du champ mediatique a une conduite mimetique dont les buts ne sont ni 1’objectivite, ni l’exactitude, ni la profondeur, mais la recherche du scoop, du sensationnel dans la reproduc­ tion de l’identique plutot que dans la diver­ sification. On comprend done comment et pourquoi les joumaux televises ou paries sont si ressemblants les uns aux autres, a des dif­ ferences quasi imperceptibles pres. L’emprise des medias sur la societe contribue de maniere decisive a la formation d’une nouvelle censure, d’une censure douce, sans contrainte et insensible dans la plus grande part. Tocqueville montrait deja comment la societe democratique americaine —mais on peut generaliser cette these a l’ensemble des societes democratiques —etait portee a la formation d’une opinion majoritaire, ce qu’on appelle l’opinion publique : « La majorite a done aux Etats-Unis une immense puissance de fait et une puissance d’opinion presque aussi grande; et lorsqu’elle est unefoisformee sur une ques­ tion, il n’y apour ainsi direpoint d'obstacles qui puissent,je ne dirai pas arreter, mais meme retarder sa marche, et lui laisser le temps d’ecouter lesplaintes de ceux qu’elle ecrase en passant. Les consequences de cet etat de chosessontfunestes et dangereusespour I’avenir.»

Y V ES CH A R LES Z A R K A EST DIRECTEUR DE RECHERCHE AU CNRS. IL ENSEIGNE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE MODERNE ET CONTEMPORAINE A L’UNIVERSITE PARIS-I. ILESTDIRECTEURDE LA REVUE CITES (PUF), QUI PUBLIERA DANS SA LIVRAISON D’AVRIL UNEVERSION DEVELOPPEE DE CETEXTE.

Cette analyse de la formation d’une opi­ nion dominante fait partie des explications que Tocqueville donne de l’un des vices naturels les plus importants des societes democra­ tiques :l’etablissement d’une tyrannie de l’opi­ nion. Cette conception de la formation d’une opinion dominante est doublement interessante. Elle montre que l’opinion publique est une norme contraignante et pourtant insensi­ ble qui s’impose a l’opinion individuelle sans qu’elle la pergoive et qui ne laisse pas de place pour la contradiction. Elle est accompagnee d’une analyse de la constitution d’une nou­ velle forme de la censure et d’un nouvel esprit de cour.

Le caractere irresistible et exclusif de l’opinion publique la transforme en censure insen­ sible ou symbolique a laquelle des individus se soumettent sans s’en rendre compte. La de­ mocratic comporte toujours cette possibilite de voir se former une tyrannie de l’opinion qui est une tyrannie impersonnelle, une tyrannie sans tyran.

Les medias sont-ils necessairement un pouvoir ? Si ce n’est pas le cas, comment se sont-ils constitues en pouvoir sans contrepouvoir, en pouvoir sans limites ? On peut tres bien concevoir un fonctionnement des medias qui les ramene a leur vocation initiale de com­ munication, d’information et de critique de la vie publique. Lorsqu’on envisage les medias dans leur fonction premiere, qui est instrumentale, il est possible de leur restituer toute leur positivite comme organes susceptibles d’eveiller des debats et d’en montrer les enjeux en vue d’eclairer 1’opinion. Ils deviennent un pouvoir lorsqu’ils se detoument de cette voca­ tion initiale d’information et de critique pour devenir autoreferentiels, lorsqu’ils recherchent avant tout l’accroissement de leur audience.

C’est par ce biais que des medias devien­ nent un pouvoir qui tend a s’accroitre sans cesse. Ils assument ainsi de moins en moins leur fonction d’expression du debat public oil la societe s’informe et s’entend elle-meme. D’instances critiques, ils deviennent des instances de pouvoir. Loin de constituer un element decisif pour la vie publique, culturelle et democrati­ que, ils conduisent a un delitement de l’esprit democratique.

Le Figaro

179

CHAPITRE IV. COMPTE RENDU

T E X T E 1 8 * * *

LES GRANDES ECOLES FACE A L’U NIVERSITE

n France, l’enseignement superieur dans Eles domaines des sciences et techniques (y compris les sciences de gestion et les techniques de management) est organise en deux filieres, dont l’une, celle des grandes ecoles et des classes preparatoires, repose sur une selection explicite apres le baccalaureat et les concours. Les grandes ecoles constituent ainsi un dispositif de formation fonde sur une logique d’integration des connaissances et de coherence des cursus sur cinq annees apres le baccalaureat, les deux premieres annees pouvant etre mises en commun au sein des classes preparatoires. Faut-il insister sur les preuves de la qualite du systeme des grandes ecoles, consacrees de fagon evidente par le marclm:

employabilite immediate des diplomes, faible taux de chomeurs, rayonnement des cadres formes « a la frangaise » dans les societes mul­ tinationals qui savent tres bien ou recruter de tres bons collaborateurs pour des postes de haute responsabilite ?

Les universites ont cependant tendance, ces derniers temps, a presenter les classes pre­ paratoires aux grandes ecoles (CPGE) comme un systeme organise pour leur confisquer des jeunes de qualite a qui elles n’apporteraient aucune valeur ajoutee. Dans son discours d’ouverture du dernier colloque annuel de la Conference des presidents d’universite (CPU) le premier vice-president s’interrogeait en effet

sur « quelles mesuresproposerpourfavoriser un fort rapprochement des CPGE avec les universitespour arriver, a terme, a leur integration comme composantes d’universites ? » et ajoutait: «Il n’estpas normal que les etudiants de classespre­ paratoires ne connaissentpas le monde universitaire et ne soientpas confrontes a la recherche ».

Notons qu’il est intellectuellement savoureux d’entendre la meme personne pretendre a quelques semaines d’intervalle que le parcours CPGE-grandes ecoles confisquerait les meilleurs eleves et qu’il souffrirait d’une dis­ crimination sociale grave, que ne connaitrait pas l’Universite. S’il est exact que les enfants des cadres et professions intellectuelles superieures represented un pourcentage important

des eleves des grandes ecoles, ce phenomene est aussi present, dans une moindre mesure, dans les troisiemes cycles universitaires.

Par ailleurs, si on considere l’encadrement en general, on arrive dans les grandes ecoles et les troisiemes cycles universitaires au meme niveau de representation (72%). En outre, l’affirmation du premier vice-president signifierait que les etudiants de qualite ne peuvent appartenir qu’aux categories socioprofessionnelles elevees. Faut-il comprendre que l’Universite ne partage plus l’ambition nationale de promotion sociale ? A l’heure ой les grandes ecoles sont convaincues de la necessite de favoriser l’epanouissement de tous les talents, ou elles sont

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§ 5 . TEXTES POUR REDIGER UN COMPTE RENDU

parfaitement conscientes du role fondamental qu’elles doivent jouer pour faciliter Faeces des categories socioprofessionnelles les plus modestes aux formations les plus prestigieuses et ой Fouverture soriale de l’enseignement superieur est le premier enjeu de societe enonce dans le document de strategie generate de la Conferen­ ce des grandes ecoles rendu public des 2004.

Chacun constate que, plutot que de choi­ sir un cursus qui, selon les universitaires, leur garantirait une grande diversite de parcours et une rencontre determinante avec la recherche, seule garante de l’innovation, lesjeunes preferent opter pour un chemin qui monte durement vers les epreuves des concours et Fintegration dans les grandes ecoles. Ce comportement d’une part significative des jeunes bacheliers demontre une connaissance certaine des realites socioeconomiques et de Femployabilite des differentes formations.

L’argument de poids concernant Finte­ gration des CPGE dans les universites est le contact avec la recherche qui existerait en pre­ mier cycle universitaire, les cours etant assures par des enseignants-chercheurs. Aujourd’hui les professeurs de classes preparatories se consacrent exclusivement a l’enseignement, avec un devouement qui fait l’admiration de tous, et sont recrufes, pour pres de 70% d’entre eux, parmi les jeunes agreges qui ont poursuivi des travaux de recherche et obtenu leur doctorat. En outre, le gout de l’effort et la capacite de travail acquis par les etudiants de CPGE au contact de ces pedagogues remarquables, allies a des programmes congus pour donner un socle important de connaissances scientifiques, sont reconnus par les recruteurs comme garantissant l’absence de lacunes serieuses et constituent un fondement fiable pour la carriere du futur cadre superieur.

Vouloir veritablement exposer les etu­ diants de premier cycle a la recherche est en effet une douce plaisanterie et, dans la plupart des pays du monde, ces premieres annees d’enseignement superieur sont consacrees a l’acquisition de savoirs de base academiques. Dans les plus grandes universites internationales, les meilleurs enseignants de premier cycle sont ceux interesses par les syntheses renouvelees de connaissances, donnant a cette fonction d’integration une vraie dimension de

recherche pedagogique ; c’est le profil frequent des profes­ seurs de classes pre­ paratoires.

Par ailleurs, les universites doivent faire en sorte que les cours, et principalement ceux de pre­ mier cycle ne soient

pas

vecus

par

les

enseignants

comme

les eloignant

de

la

seule

tache

 

noble,

a savoir celle

de

la

participation a la recherche qui conditionne exclusivement leur avancement. Mais 1’im­ portant n’est-il pas que ces enseignants-cher­ cheurs communiquent a leurs eleves passion, curiosite et soif de l’inconnu ? Le probleme est qu’a regarder vivre les jeunes chercheurs les eleves comprennent vite que ce metier qui pourrait etre si passionnant est en fait englue dans une derive en clericature, qui ne fait appel ni a la passion ni a l’attrait de l’inconnu; que les jeunes chercheurs partent a l’etranger non pas pour rejoindre une equipe travaillant sur un sujet passionnant, mais parce que la men­ tion « USA » valorise leur CV; qu’ils soignent les reseaux de fagon a etendre leur notoriete; qu’ils quittent le plus rapidement possible les salles de cours pour retoumer dans les laboratoires du « dieu recherche ».

Quand on connait le combat incessant des IUT pour que les equipes pedagogiques soient constituees, que la professionalisation soit honoree et que les relations avec le milieu socioeconomique existent, il est etonnant de voir le premier vice-president de la Conference des presidents d’universite tenter d’attirer les CPGE en leur faisant miroiter le sort de ces instituts. Faut-il rappeler les garde-fous qui ont du etre dresses ? Les commissions pedagogiques de recrutement, le flechage des moyens, l’existence d’un conseil d’administrationpropre, etc. ? Fautil evoquer le mepris parfois affiche par les collegues de Funiversite pour ceux qui travaillent en IUT comme on travaille dans la calle ?

A moins d’une refonte totale des statuts qui permettrait aux formations profession-

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C h a p i t r e IV.

nelles de vivre avec reactivate leur mission au sein des universites, il n’y a aucune raison pour priver la France de ce qui est deja, mais pourrait etre davantage, son avant-garde en matiere d’enseignement superieur. Les expe­ riences pedagogiques, technologiques et institutionnelles des grandes ecoles, qui par leur taille moyenne ont souvent la liberte d’inventer des solutions originates, sont a la disposi­ tion de tous ceux qui, sans ideologic, veulent s’engager dans des demarches de partage de bonnes pratiques. Filieres d’excellence integrees du baccalaureat au master, les grandes ecoles frangaises constituent en effet une re­ ference enviee par nos collegues europeens pour la capacite de leurs etudiants a associer, a un age precoce, des elements de culture ge­ nerate pluridisciplinaire et une aptitude a integrer des connaissances academiques et des competences professionnelles.

Dans le contexte national actuel de l’enseignement superieur et de la recherche qui

C o m p t e r e n d u

ressemble davantage a une effervescence de panique qu’a une organisation strategique, et ой le politique suit beaucoup trop le techno­ crate, la sagesse conseille de ne pas toucher a ce qui fonctionne en faveur de ce qui fonctionnera peut-etre, et de reconnaitre que la construction responsable d’un dispositif d’en­ seignement superieur et de recherche articule autour des grandes ecoles et des universites ne pourra se faire sans une concertation reelle entre les partenaires, sans le respect de leurs specificites et de leurs cultures. L’originalite du continuum CPGE-grandes ecoles est en ef­ fet un facteur-cle de competitivite de nos ingenieurs et de nos managers, alors que les couts par etudiant de ces formations sont tres faibles par rapport a nos concurrents internationaux.

Christian Margaria, president de la

Conference des grandes ecoles

Le Monde

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