- •Inf. — infinitif
- •V|nf — verbe à 1 infinitif
- •Questionnaire à partir du texte
- •Commentez
- •I. Etude lexico-grammaticale du texte exercices de vocabulaire
- •Etude grammaticale du texte
- •Phrase interrocative
- •Question indirecte
- •Comment donner une réponse êvasive
- •Entrainement a l'expression ecrite
- •Approches du texte
- •Premières notions linguistiques
- •III. Autour du thème Textes complémentaires
- •Petit élève deviendra grand ...
- •Fringues
- •Questionnaire
- •Le portrait d'une famille
- •Questionnaire à partir du texte
- •Commentez
- •I. Etude lexico-grammaticale du texte exercices de vocabulaire
- •Conditionnel exprimant l'apparence
- •Phrase impérative
- •Faire-)-infinitif
- •Mise en relief
- •Lien entre les phrases
- •L'entrainement a l'expression orale
- •Au physique. En apparence
- •Rien de X j. Adj
- •Au plus tard, au plus tût
- •Entraînement a l'expression écrite
- •Approches du texte
- •Premières notions linguistiques
- •III. Autour du thème Textes complémentaires
- •Antoinette et olivier
- •Questionnaire
- •Etude du lexique
- •Le choix d'une carrière
- •Questionnaire à partir du texte
- •Commentez
- •I. Etude lexico-grammaticale du texte
- •Conditionnel exprimant l'obligation
- •Mise en relief
- •Proposition infinitive
- •Proposition participe absolue
- •Phrase complexe
- •Prépositions
- •Entraînement a l'expression orale
- •Depuis, depuis lors, dès
- •Entraînement a l'expression écrite
- •II. Analyse lexico-stylistique du texte approches du texte
- •Premieres notions linguistiques Styles fonctionnels
- •III. Autour du thème Textes complémentaires
- •Questionnaire
- •Questionnaire à partir du texte
- •Commentez
- •I. Etude lexico-grammaticale du texte exercices de vocabulaire
- •Etude grammaticale du texte article et son absence
- •Formation des adverbes en -ment
- •Indépendant —* indépendamment
- •Cas particuliers
- •Mise en relief
- •Phrase complexe
- •Lien entre les phrases
- •Entrainement a l'expression orale
Le portrait d'une famille
Et nous voici réunis, tous les cinq, réunis enfin de jouer le premied épisode de ce film à prétentions tragiques, qui pourrait s'intituler j «Atrides en gilet de flanelle».
Nous cinq, les principaux acteurs, dont il faut dire que nous avoni tous fort bien joué notre rôle, les demi-caractères n'existant pas dans 1) famille. Nous cinq et quelques figurants, rapidement éliminés en gêné rai par le manque d'oxygène sentimental qui rendait irrespirable poui les étrangers l'atmosphère de notre clan. Campons les personnages.
D'abord le chef de famille, si peu digne de ce titre, notre père, ques Rezeau. Si vous voulez bien vous en référer à «L'Explication Caractère par les prénoms», opuscule de je ne sais plus quel mage, voq constaterez que pour une fois la définition se trouve parfaite. «Les Ja< ques, y est-il dit, sont des garçons faibles, mous, rêveurs, spéculatif généralement malheureux en ménage et nuls en affaires. » Pour résuma mon père d'un mot, c'était un Rezeau statique. Plus d'esprit que d'ir lelligence. Plus de finesse que de profondeur. Grandes lectures et coui
32
réflexions. Beaucoup de connaissances, peu d'idées. Le sectarisme des gements pauvres lui tenait quelquefois lieu de volonté. Bref, le type Juë" gommes qui ne sont jamais eux-mêmes, mais ce qu'on leur suggère Prêtre qUi changent à vue de personnage dès que le décor tourne et ni, le sachant, s'accrochent désespérément à ce décor. Au physique, pa-\ était petit, étroit de poitrine, un peu voûté, accablé par le poids de ls moustaches. Quand je l'ai connu, le cheveu, encore noir, commençait à lui manquer. Toujours plaintif, il vivait entre deux migraines et «> nourrissait d'aspirine.
Agée, à la même époque, de trente-cinq ans, madame mère avait dix ans de moins que son mari et deux centimètres de plus. Née Pluvignec, je vous le rappelle, de cette riche, mais récente maison Pluvignec, elle était devenue totalement Rezeau et ne manquait pas d'allure. On m'a dit cent fois qu'elle avait été belle. Je vous autorise à le croire, malgré ses grandes oreilles, ses cheveux secs, sa bouche serrée et ce bas de visage agressif qui faisait dire à Frédie, toujours fertile en mots :
— Dès qu'elle ouvre la bouche, j'ai l'impression de recevoir un coup de pied au cul. Ce n'est pas étonnant, avec ce menton en galoche.
Outre notre éducation, Mme Rezeau aura une grande passion : les timbres. Outre ses enfants, je ne lui connaîtrai que deux ennemis : les mites et les épinards. Je ne crois rien pouvoir ajouter à ce tableau, sinon qu'elle avait de larges mains et de larges pieds, dont elle savait se servir. Le nombre de kilogrammètres dépensés par ces extrémités en direction de mes joues et de mes fesses pose un intéressant problème de gaspillage de l'énergie.
Pour être juste, Frédie en eut sa très juste part. L'héritier présomptif tenait de mon père tous ses traits essentiels. Chiffe ! Inutile d'aller plus loin. Ce surnom lui conviendra toujours. Sa force d'inertie était proportionnelle aux coups de poings et aux coups de gueule.
Quant à Marcel, dont je n'ai jamais su pourquoi lui avait été attribué le sobriquet de Cropette (étymologie obscure), point n'ai l'intention de l'abîmer. On pourrait croire que je le jalouse encore. Pluvignec cent pour cent, par conséquent doué pour la finance, amateur de grandes pointures, péniblement studieux, froid, tenace, personnel, corollairement hypocrite ... Je m'arrête, car je suis en train de ne pas me tenir parole.
Reste la cinquième carte de ce méchant poker. Qu'il vous suffise de savoir que l'on ne m'a pas vainement rebaptisé Brasse-Bouillon, selon un tic familial agaçant, qui nous apparente aux vieilles familles romaines, où le surnom était de rigueur. Le cadet de casse-cogne, le révolté, l'évadé, la mauvaise tête, le voleur d'œufs qui volera un bœuf, «le petit salaud qui a bon cœur». Brun, joufflu jusqu'à ''âge de douze ans et désespéré de l'être, à cause des claques. Resté petit tant que j'ai conservé mes amygdales. Affligé des oreilles maternelles, du menton maternel, des cheveux maternels. Mais très fier de mes dents, du type Rezeau, le seul organe sain de la famille, rendant les inutiles. Gourmand de tout et, en premier lieu, de vivre.
33
-702
Très occupé de moi-même. Egalement très occupé des autres, mais dans la limite où ceux-ci ont le bon esprit de me tenir pour un des éléments importants de leur propre vie.
Moi compris, nous voici donc cinq sur la scène de La Belle Ange-rie. Tableau unique. Dès l'arrivée de mes parents, la maison d'Angers avait été liquidée. Mon père décida de rester toute l'année à la campagne et donna sa démission de professeur à la Faculté catholique. Le prétexte invoqué fut le paludisme. En réalité, M. Rezeau n'avait qu'une hâte : réunir sous son sceptre indolent les terres de la famille et y régner sans gloire, meublant son ennui de recherches généalogiques et sur^ tout d'études entomologiques sur les syrphidés. Papa était l'un des рЫ grands syrphidiens du monde. C'est, il est vrai, une corporation qui ne compte pas cent membres. Mon père avait bien travaillé en Chine. Il en ramenait cinquante espèces nouvelles. C'était sa fierté, l'œuvre forte de sa vie. En vertu de quoi, sa première décision, en s'installant à Ц Belle Angerie, fut de se faire aménager en musée personnel le grand grel nier du pavillon de droite. La chose faite, il s'occupa de ses enfants el les pourvut d'un précepteur.
Le 27 novembre 1924, la loi nous fut donnée.
Cropette, galopant à travers les couloirs, Cropette, héraut de madame
mère, criait :
Tout le monde en bas, dans la salle à manger !
Que peut-on nous vouloir à cette heure-ci? Nous sommes en ré-l
création, bougonna Frédie.
Pas question de faire attendre Mme Rezeau. Nous dégringolâmes l'escalier sur la rampe. Dans la salle à manger, l'aréopage était au complet. Papa occupait le centre. Notre mère tenait sa droite. Au bas bout de la table était plantée, toute raide, Mlle Lion.
— Non, mais vous allez vous presser, tous les deux! glapit Mme
Rezeau.
Papa étendit une main solennelle et commença à débiter sa leçon :
— Mes enfants, nous vous avons réunis pour vous faire connaître nos décisions en ce qui concerne l'organisation et l'horaire de vos étu des. La période d'installation est terminée. Nous exigeons maintenant
de l'ordre.
Il reprit son souffle, ce dont sa femme profita immédiatement pour
lancer à l'adresse de nos silences un retentissant:
Et tâchez de vous taire 1
Vous vous lèverez tous les matins à cinq heures, reprenait mon père. Vous ferez aussitôt votre Ht, vous vous laverez, puis vous vous rendrez à la chapelle pour entendre la messe. Après vous irez apprendre vos leçons dans Гех-chambre de ma sœur Gabrielle, transformée en salle d'études, parce qu'elle est contiguë à celle du père, qui aura ainsi tou tes facilités pour vous surveiller. A huit heures, vous déjeunerez ...
A ce propos, mademoiselle, coupa madame mère, je précise que
34
es enfants ne prendront plus désormais de café au lait, mais de la sou-né C'est plus sain. "" ___ Après le petit déjeuner, une demi-heure de récréation ...
En silence ! coupa Mme Rezeau.
Votre mère veut dire: sans faire trop de bruit, pour ne pas la réveiller, soupira M. Rezeau. Vous reprendrez le travail à neuf heures. Récitations, cours, devoirs, avec un quart d'heure d'entracte aux alen tours de dix heures, cela vous amènera jusqu'au déjeuner. Au premier son de la cloche, vous allez vous laver les mains. Au second coup, vous entrez dans la salle à manger.
Nous vous accordons, après le déjeuner, une heure de récréation, qui pourra être supprimée, par punition. Vous devrez obligatoirement jouer dehors, sauf s'il pleut.
Mais s'il fait froid? hasarda Mademoiselle.
Rien de meilleur pour les aguerrir, rétorqua madame mère. Je suis pour une éducation forte.
Papa s'impatientait.
— Nous n'en finirons jamais, Paule, si tout le monde m'interrompt. Je disais donc ... Ah! oui, je disais que, sur le coup d'une heure et demie, vous reprendriez le collier. Goûter à quatre heures. A la cloche du souper, mêmes formalités au lavabo, je vous prie. Le soir, en man geant, nous ne parlerons que l'anglais. Il ne sera répondu à aucune de mande de pain ou de vin ...
D'eau, Jacques !
... Il ne sera répondu à aucune demande si elle n'est pas expri mée dans la langue de Disraeli. Telle est la meilleure méthode pour contraindre les enfants à s'intéresser aux langues étrangères. Tout le monde doit être couché à neuf heures et demie, au plus tard. Voilà. Maintenant, je vous laisse. J'ai des mouches à piquer.
Notre mère continuait :
— Je dois ajouter aux décisions de votre père diverses disposi tions que je prends moi-même en tant que maîtresse de maison. En pre mier lieu, je supprime les poêles dans vos chambres : je n'ai pas envie de vous retrouver asphyxiés, un beau matin. Je supprime également les oreillers: ils donnent le dos rond. Les édredons suivront les oreillers. Une couverture en été, deux en hiver suffisent largement. A table, j'en tends que personne ne parle sans être interrogé. Vous vous tiendrez correctement, les coudes au corps, les mains posées de chaque côté de votre assiette, la tête droite. Défense de vous appuyer au dossier de votre chaise. En ce qui concerne vos chambres, vous les entretiendrez vous-mêmes. Je passerai l'inspection régulièrement, et gare à vous si je trouve une toile d'araignée !
D'après H. Bazin, Vipère au poing